5/11 Le cœur d’Exarcheia bat encore !

Voici la suite du compte-rendu en photos du convoi solidaire en Grèce de janvier à mai 2022. Le convoi le plus long ! Un grand moment de solidarité internationale et de convergence de luttes contre l’adversité et la résignation.
.
CINQUIÈME ÉPISODE (SUR 11) : LE CŒUR D’EXARCHEIA BAT ENCORE ✊❤️
.
⤵️ Épisodes précédents et suivants : voir tout en bas ⤵️
.
Comme tous les convois jusqu’ici, nous sommes encore intervenus à plusieurs endroits en Grèce : de Patras à Athènes et de Thessalonique à la Crète… (à découvrir dans les prochains épisodes). Mais il est clair que, depuis toujours, le cœur de notre action se situe au centre d’Athènes, à Exarcheia, un quartier libertaire, antifasciste et autogestionnaire, en lien étroit avec de nombreuses luttes internationales.

L’une des nombreuses affiches en soutien du Rojava à Exarcheia : « émancipation des femmes, démocratie par la base, économie coopérative. »

 


.
Depuis le retour de la droite au pouvoir, l’État est encore plus violent que par le passé. Le premier ministre Mitsotakis avait promis d’en finir avec Exarcheia dès le premier mois. Au bout de trois ans, il n’y est pas encore parvenu, même si nous avons beaucoup souffert. Beaucoup de nos squats ont été expulsés, mais d’autres sont toujours debout, à commencer par les principaux : le Notara 26, premier squat de réfugiés et migrants dans le centre-ville d’Athènes durant la crise de 2015, et le K*Vox, occupation qui sert de base au groupe anarchiste Rouvikonas et qui propose de nombreuses animations : bibliothèque sociale, projections, débats, tables rondes, bar autogéré, cuisine solidaire, structure autogérée de santé…
.

Le surnom Exarchistan : une façon pour le pouvoir de dire qu’Exarcheia est un quartier d’islamo-gauchistes, et « un territoire qui a fait sécession avec la Grèce » (sic).

Après avoir hésité, le gouvernement a finalement renoncé — pour l’instant — à attaquer directement ces deux grands squats qui incarnent le cœur du quartier le plus bouillonnant d’Athènes. Le pouvoir sait parfaitement que les représailles seraient très fortes et tous azimuts. Ce n’est pas son intérêt dans un contexte très tendu depuis l’épidémie, les restrictions et, plus récemment, la crise sociale qui ne cesse de se durcir à nouveau.
.

« DEHORS L’ÉTAT D’EXARCHEIA ! »

Alors l’offensive a redoublé sous une autre forme : la gentrification, autrement dit pousser au départ toutes celles et ceux qui n’ont pas les moyens de payer des loyers qui ne cessent d’augmenter (pour celles et ceux qui ne vivent pas dans les petits squats discrets du quartier et des alentours). La méthode : favoriser le business immobilier, ajouter des infrastructures pas forcément utiles, « moderniser » certaines zones et, surtout, essayer d’imposer la construction d’une station de métro au beau milieu de la place centrale du quartier. La lutte s’amplifie contre ce projet de station de métro, de même contre les projets immobiliers qui convoitent la petite colline du quartier, Strefi, encore boisée et vivante de ses nombreuses ballades et activités hebdomadaires, en particulier des concerts et des rencontres.
.

« Quelles serait les conséquences de l’arrivée du métro sur la place Exarcheia… »

« COMBATTONS LA GENTRIFICATION »

Exarcheia défend son histoire, son identité politique et culturelle, mais ne veut pas non plus se transformer en musée. Sa radicalité est une lutte de tous les instants et non pas une simple mémoire poussiéreuse que viendraient humer quelques touristes curieux de cette particularité rare en Europe. À Exarcheia, le mouvement social ne veut pas de voyeurisme mais de l’action, pas de curiosité passive mais de l’implication active. Quand on vient à Exarcheia, c’est pour rejoindre la lutte, pour participer, pas pour photographier à la sauvette les compagnons et camarades en train de discuter à la terrasse de bistrots aux affiches rouges et noires.

« EXARCHEIA NE DEVIENDRA PAS UN MUSÉE »

.

« MANGEZ LES RICHES ! »

Il y a treize ans, des articles et une littérature ont commencé à circuler à propos du quartier, puis des films évoquant cette poche de résistance passionnante et passionnée. Cela a eu des bons côtés et des moins bons. Cette notoriété a clairement inquiété le pouvoir au-delà des frontières du pays au point que des chefs d’états en visite ont suggéré aux gouvernements grecs successifs de faire le ménage : l’État grec était régulièrement ridiculisé et ce spectacle subversif commençait à faire le tour du monde en excitant l’imaginaire social révolutionnaire. Ces livres et films ont peut-être aussi attiré des touristes voyeurs, mais cela en a sans doute dissuadé d’autres également, car le quartier a très mauvaise réputation dans les médias dominants et certaines brochures touristiques : « si vous visitez Athènes, surtout n’allez pas à Exarcheia, c’est très dangereux, il y a des anarchistes, des migrants et de la drogue » (sic). Parmi les bons côtés de cette notoriété, les liens internationaux se sont accrus, par-delà les frontières, dans toutes sortes de luttes. Sans oublier la solidarité qui est née et s’est amplifiée au point de sauver à plusieurs reprises des lieux, des projets ou encore des groupes de résistance sévèrement menacés par la répression.
.
C’est ainsi que le K*Vox vient de fêter ses 10 ans sur la place Exarcheia, avec des conférences, des rencontres, des concerts et des projections durant un mois. Le K*Vox soutient à son tour d’autres initiatives et lieux dans le quartier, à commencer par le Notara 26 qui lui aussi tient bon, d’année en année. De nouveaux squats ont été ouverts dans le centre d’Athènes ces derniers temps, très visibles ou plus discrets. Avec la fin des restrictions liés à l’épidémie, une nouvelle séquence de luttes peut commencer, plus puissante que durant l’épisode covid.
.

Concert avec l’un des musiciens du formidable groupe Villagers of Ioannina City.

Et oui ! On a découvert en souriant qu’une boisson s’appelait Rubicon !

Au cœur d’Exarcheia, se trouve une étoile…

Sur les murs d’Exarcheia et jusqu’au Pirée, on peut lire un tag en anglais qui répète partout : « THE FUTURE IS UNWRITTEN ! » (le futur n’est pas écrit d’avance) Oui, rien n’est écrit d’avance, tout reste à faire, à inventer, à créer, sous différentes formes, sur toutes sortes de sujets. Et pour avoir encore plus de force, parfois, on s’implique dans des convergence des luttes, par-delà nos différences, même là où on ne nous attend pas.
.
À Exarcheia, ces derniers temps, les manifs se multiplient, rassemblant des sensibilités très différentes. Ce sont des moments très forts, chargés de sens, des promesses d’avenir.
.

En attendant le début de la manif, sous la statue des anges de la place d’Exarcheia.

À Exarcheia, ces derniers temps, les manifs se multiplient, rassemblant des sensibilités très différentes. Ce sont des moments très forts, chargés de sens, des promesses d’avenir.

Chaque manif passe bien sûr devant le Notara 26. Des résidents jettent souvent des tracts en soutien aux luttes depuis la terrasse.

L’Amour et la Révolution…

Dans la vitrine de la librairie « Bibliothèque », sur la place, on peut lire une banderole cinglante :
« NOTRE VIE EST TELLEMENT COURTE, MAIS TELLEMENT BELLE ET UNIQUE, QU’IL N’EST PAS QUESTION DE L’ABANDONNER À LA PEUR, AU SILENCE, À LA SOLITUDE, AU DÉSESPOIR NI AUX INTERDITS ».
.
Beaucoup parmi nous ont un amour immense pour ce quartier à part entière, même si tout est loin d’y être parfait. Entre rêve et cauchemar, Exarcheia est un de ces quartiers qui palpitent encore en Europe dans le crépuscule grisâtre du vieux monde. Ses murs colorés ne cessent de le rappeler, comme autant de cris, de hurlements et de cicatrices.
.
Le fait qu’Exarcheia soit dans le collimateur du pouvoir n’a fait que renforcer cet amour ces trois dernières années. Notre compagnon de convoi, José Bengala, décédé le 8 mars dernier, a souhaité que son cercueil soit recouvert du tee-shirt en soutien à Exarcheia à sa crémation. Beaucoup de nos compagnons et camarades ressentent également quelque chose de très fort à chaque fois qu’ils reviennent.

José accueillant Giorgos il y a 4 ans en Gironde.

.

Dernière visite de José à Exarcheia, au K*Vox en novembre 2021.

Sous la fresque du K*Vox en l’honneur de la Commune de Paris, nous songeons souvent à tous ces petits bouts de monde que nous tentons de soustraire à la convoitise du pouvoir et du capitalisme. Même si ce sont de minuscules bouts de territoire, même si c’est parfois éphémère — un mois, un an, dix ans — ce sont autant de brèches qui pourfendent les évidences qu’on veut absolument nous imposer.
Car nous le savons, nous le voyons, nous l’expérimentons : d’autres voies sont possibles, désirables et nécessaires. Nous sommes capables de vivre ensemble autrement. Nous sommes capables d’aimer, créer et résister.
.
Nous sommes capables, résolument capables de prendre nos vies en mains.
.
Encore merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la préparation de ce convoi, d’une façon ou d’une autre. Et à demain pour la suite !
.
.
Tous les épisodes :
.
1 – POURQUOI UN CONVOI DE JANVIER À MAI ?
(préparation du convoi, anecdotes et voyage en quatre phases)
.
2 – AUX CÔTÉS DES RÉFUGIÉS, AU NOTARA 26 ET AILLEURS EN GRÈCE
Le squat Notara 26 à bout de bras ! Une maman et son bébé sans abri recueillis sous la neige ! L’arrivée d’enfants d’anarchistes ukrainiens ! L’accueil chaleureux des afghans près d’Héraklion !
.
3- L’ART ET LES TATOUAGES EN SOUTIEN DES LUTTES
Une histoire insolite et formidable
.
4- UN SOUTIEN MÉDICAL ET SANITAIRE COMPÉTENT
Des anciens professionnels de santé sont partis avec nous pour épauler les structures autogérées de santé. Des camarades frappés par des maladies graves reçoivent une aide complémentaire.
.
5- LE CŒUR D’EXARCHEIA BAT ENCORE
Le K*Vox fête ses 10 ans, Rouvikonas résiste toujours et le quartier descend dans la rue contre la répression et la gentrification !
.
6- DES ACTIONS UN PEU PARTOUT EN GRÈCE
Notre soutien concerne également des squats qui sont loin d’Athènes, des collectifs de Patras à Thessalonique, des ouvriers en lutte comme les dockers du Pirée en grève contre la firme Cosco, des victimes précaires d’un séisme en Crète, etc.
.
7- DES LUTTES ENVIRONNEMENTALES À LA CROISÉE DES CHEMINS
La firme française Total renonce à ses forages pétroliers en Crète !!! La construction du nouvel aéroport de Kastelli est au point mort !! Un nouveau front de résistance vient de s’ouvrir, cette fois au sud de l’île depuis ce dimanche 15 mai, contre un immense projet hôtelier dans un site naturel magnifique…
.
8- SOUTENIR LES PAYSANS EN LUTTE TOUT EN NOURRISSANT LES PRÉCAIRES : LE PARI RÉUSSI DES INITIATIVES SOLIDAIRES AUTOGÉRÉES EN GRÈCE !
Des paysans crétois en lutte (contre des firmes françaises) fournissent en fruits, légumes et huile d’olive les lieux autogérés et solidaires des grandes villes pour les précaires grecs et migrants. Une grande serre autogérée dans la banlieue d’Athènes rejoint la lutte pour l’autonomie. Mais aussi : jardins partagés, création de composteurs, permaculture, extension des espaces de gratuité et d’horizontalité, prêt de vélos, mise en commun d’outillage…
.
9- LA CUISINE SOLIDAIRE DE CHANIA ET LE RÉSEAU SODAA EN ATTIQUE
L’enjeu : nourrir des milliers de précaires (grecs et migrants) dans l’entraide, sans l’aide du pouvoir ni de ses valets !
.
10- UN CONVOI SOLIDAIRE, C’EST AUSSI DU BRICOLAGE ET DES TRAVAUX DANS LES LIEUX
On n’a pas chômé durant 3 mois : rangement, menuiserie, peinture, plomberie, électricité, sécurité anti-incendie. Naissance d’un garage solidaire autogéré !
.
11- LA CAUSE DES ENFANTS : PÉDAGOGIE FREINET, BIBLIOTHÈQUES SOCIALES, JEUX…
Parce que la société autoritaire et inégalitaire frappe aussi les enfants, nous avons participé au développement de bibliothèques sociales, de ludothèques autogérées, de cours gratuits de langues, de la philosophie avec les enfants, de la pédagogie Freinet et d’autres outils coopératifs de prise de conscience et d’émancipation dès le plus jeune âge.
.
Faites passer ! Transmettez au moins la nouvelle à toutes celles et ceux qui ont participé !
.
..
.
PS :
Si vous voulez (et pouvez) contribuer, nous n’avons plus de fond d’urgence en ce moment alors que c’est indispensable et une dizaine de nos lieux et collectifs n’ont pas encore pu être soutenus faute de moyens suffisants durant le convoi. Trois possibilités :
.
1- Effectuer un virement à ANEPOS
IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730 BIC : PSSTFRPPTOU
Objet : « Action Solidarité Grèce »
.
2- Suivre ce lien PAYPAL :
.
3- Envoyer un chèque à l’ordre de ANEPOS
Adresse postale : ANEPOS – Action Solidarité Grèce – 6 allée Hernando – 13500 Martigues
Contact, suggestions, propositions : solidarite@anepos.net
Tél. France 06 24 06 67 98 / Tél. Grèce (0030) 694 593 90 80
.
(une liste complète des lieux récemment aidés se trouve parmi les images du premier épisode)