Jean-Claude Besson-Girard, artiste et penseur écolo-libertaire (1938-2021)

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J’ai la tristesse de vous annoncer la mort d’un ami et compagnon formidable :
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JEAN-CLAUDE BESSON-GIRARD, ARTISTE ET PENSEUR ÉCOLO-LIBERTAIRE (1938-2021)
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Jean-Claude avait participé au livre collectif « Que la fête commence ! » (Les Éditions Libertaires, 2015). Ce bouquin, nous l’avions conçu chez lui, à Cenves dans les collines du Mâconnais, durant l’été 2014, en nous réunissant avec Jean-François Brient, Sergio Ghirardi, Alessandro Di Giuseppe (le PAP40 de l’Église de la Très Sainte Consommation) et quelques autres. Serge Quadruppani, John Holloway et Noël Godin nous avaient ensuite rejoint dans cette aventure illustrée par Jiho.
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Jean-Claude était également l’auteur de « Decrescendo cantabile, petit manuel pour une décroissance harmonique » (Parangon, 2005) et, surtout, le cofondateur d’Entropia : revue politique de la décroissance très fournie en textes particulièrement intéressants (un livre à chaque numéro). Amateur de débat et féru de philosophie, il fit sa dernière conférence sur « L’inconscient digital », produit de l’omniprésence des écrans dans nos vies, lors de l’édition 2019 du Salon du Livre Libertaire de Cluny (organisé par la CNT et le groupe libertaire de Saône-et-Loire dont il était un compagnon de route depuis son arrivée dans la région, il y a dix ans).
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Jean-Claude était aussi un poète (auteur du recueil « Et »), ainsi qu’un peintre étonnant, associant symboles et nus dans des espaces souvent décalés. Dans ses toiles, il avait le don de nous arracher au spectacle et de nous placer face à nous même, dans la fine matière du vide trompeur. Le troublant décadrage du sujet cadrait en réalité le véritable sujet : l’être qui regarde, depuis celui qui est à l’origine de l’œuvre — parfois figuré dans son statut de premier regard — jusqu’à tous ceux qui sont appelés à le suivre face à la même question : pourquoi sommes-nous attirés par le vide et l’extérieur des cadres conventionnels ? Ou, pour l’énoncer autrement : serions-nous aspirés par autre chose que ce qu’on nous propose ?
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Dans sa longue vie d’expériences diverses et de luttes, Jean-Claude Besson-Girard a aussi été paysan et membre d’une communauté rurale écolo-libertaire après mai 1968, sur les pentes ensoleillées des Cévennes. Plus tard, il s’est rapproché quelques temps de Pierre Rabhi avant de s’en éloigner, avec un bilan très critique et sans concession. Partisan d’une écologie radicale anticapitaliste et antiautoritaire, il évoquait souvent la nécessité de concilier lutte collective et remise en question personnelle : « Changer de vie ne suffit pas. Il faut également changer la vie pour la parvenir à la sauver ». Ce qu’il appelait « sortir du labyrinthe » ou encore « choisir la vie. »
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Depuis vingt ans, Jean-Claude était inséparable de Nana, sa muse et compagne de luttes, une petite femme menue et souriante qui nous faisait tous chavirer par son humour, sa joie de vivre et son énergie incommensurable. Bons vivants, ils étaient tous deux amateurs de bons vins dans une région il est vrai très fournie en la matière, au sud de la Bourgogne ! Quand on passait quelques jours dans leur antre, les bouteilles se vidaient au fil des visites (il y avait du beau monde, cf. photos) et les discussions conviviales se prolongeaient parfois dans la nuit, sous l’éclairage discret de quelques tableaux.
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Depuis quelques jours, alors qu’il se savait condamné, Jean-Claude avait préféré quitter l’hôpital et rentrer chez lui pour y vivre ses dernières heures, entouré de ses enfants, de sa compagne et des ses amis dont ce fut un véritable défilé affectueux et réjouissant. Avec Maud, depuis le bout de la Crète, nous avons du nous contenter de quelques messages sur son répondeur, alors que son téléphone était sollicité sans cesse par les amis qui s’étaient donnés le mot. Lorsque nous avons enfin eu Nana au téléphone, hier matin, Jean-Claude venait tout juste de mourir. Il est mort dans la paix, la chaleur des siens et la confiance dans notre poursuite de la lutte pour un autre futur.
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On va faire tout notre possible, Jean-Claude ! On continue, avec dans le cœur la mémoire des compagnons du passé !
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Yannis Youlountas
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En pièces jointes : quelques souvenirs, photos, toiles et couvertures de livres et revues.
Vous pouvez également trouver d’autres toiles sur son site : http://jeanclaudebessongirard.fr/ sur lequel il avait publié un petit texte de mon cru sur sa peinture : « Jean-Claude Besson-Girard, peintre du pas-de-côté »