Dernière phase des actions et livraisons solidaires en Grèce

Un grand merci et quelques réflexions.

DERNIÈRE PHASE DES ACTIONS ET LIVRAISONS SOLIDAIRES EN GRÈCE ✊❤

Depuis quelques jours, les nombreux projets préparés durant le dernier convoi reprennent force et vigueur. Avec l’aide d’autres compagnon.ne.s de voyage arrivés récemment, les actions et les livraisons se multiplient à nouveau et vont continuer jusqu’à la fin du mois de juin.

Un bel exemple : 3600 serviettes féminines (et de l’argent) viennent d’être livrés à la section féministe de Rouvikonas qui aide les femmes précaires à Athènes. Un grand merci à nos amies de l’association marseillaise Plurielles pour leur formidable participation, une fois de plus !

Des liens se créent et se consolident entre les réseaux, par-delà les frontières. Ici, c’est le cas entre des collectifs féministes. Cette fois, je ne suis que le transporteur et le facteur des messages de soutien. Ma tournée en Italie, puis mon retour en France (à l’occasion du rassemblement des Glières) m’ont permis de ramener un fourgon supplémentaires de diverses choses utiles et de préparer le chargement des deux autres fourgons qui viennent enfin d’arriver en Grèce cette semaine, après un gros incident mécanique fin mai : Maria et Nikos sont enfin de retour (champions de la logistique depuis 2015), puis Nathalie et Cyril (eux aussi, des infatigables compagnons de tournage de notre collectif filmique, présents au générique de tous nos films).

D’ici la fin du mois, d’autres vieux amis nous rejoindront, parmi lesquels Daniel (l’un de nos mécanos solidaires, tout comme Charlie, notre « hotline des fourgons en panne »), puis Annick et Eric (convoi solidaire de décembre 2016, puis préparation des suivants), ainsi que plusieurs soutiens précieux de nos bibliothèques sociales autogérées…

D’autres sont partis il y a quinze jours du Massif Central pour transmettre notre soutien dans le Nord-Est de la Grèce, notamment aux migrants démunis près de la frontière, avec un collectif ami, sans passer par Athènes ni par la Crète. Il y a aussi Christian (l’un de nos médecins solidaires), qui nous a rejoint avec le génial Patrick, bricoleur tout terrain. Il y a Hélène et Joel qui ont récolté des fonds en organisant un vide-grenier solidaire dans leur village. Il y a Evelyne et Jean-Michel qui sont venus distribuer directement à nos côtés une partie de leur production paysanne et qui ont même cuisiné sur place leurs propres denrées. Il y a encore Christine qui arrive jeudi en provenance de Grenoble et qui va rejoindre Fotis pour transmettre du matériel destiné à nos compagnons de lutte les plus précaires. Il y a nos amis du réseau Freinet, Maud F. et Yann, qui nous ont transmis un chargement surprise à destination de leurs homologues grecs, Naya et Babis, rencontrés lors du dernier convoi à Athènes. Et tant d’autres ! Des dizaines, des centaines, des milliers d’exemples, au fil des années, dont beaucoup restent en contact, y compris des adolescents qui correspondent entre eux.

Avec le temps, nos modestes actions ont pris une ampleur que nous n’aurions jamais imaginée il y a quinze ans, à l’écart du cirque médiatique et de toute collaboration avec le pouvoir et ses valets. Idem pour nos films solidaires, depuis onze ans, pour lesquels nous recevons tellement de propositions de projections-débats qu’il est malheureusement impossible de toutes les honorer (cette fois, plus de 300 en tout, rien qu’en France, mais nous reviendrons en faire une soixantaine de plus de novembre à janvier). Toujours underground. Toujours à contre-courant. Toujours résolument optimistes et déterminés malgré la tempête.

Nous avons appris à nous connaitre, à nous comprendre, à nous aimer, par-delà nos différences. Cette diversité, nous avons appris à la respecter et même à l’apprécier, car elle nous permet aussi d’avancer, d’échanger, de trouver ensemble des solutions à bien des problèmes, de développer une intelligence collective encore plus éclairante dans les temps obscurs que nous traversons. Nous ne sommes pas toutes et tous anarchistes, et c’est tant mieux ! Nous échangeons, chacune et chacun, nos interrogations, nos doutes, nos désirs, nos idées, nos projets et, surtout, nous communiquons d’abord et avant tout par l’exemple de nos actes concrets plutôt que par des discours purement théoriques, déconnectés de la réalité, de la lutte, de l’entraide. Celles et ceux qui sont déjà venus avec nous, même sans expérience antérieure, ont vérifié concrètement à quoi peut ressembler l’autogestion, l’horizontalité et bien d’autres concepts que nos collectifs en Grèce font vivre quotidiennement de façons diverses, parfois avec difficulté car tout n’est pas simple dans les groupes humains, mais souvent avec succès en inspirant dès lors d’autres initiatives…

Pour beaucoup, le visionnage d’un de nos films a été le début de quelque chose. Puis, leur voyage en a été le prolongement, plus ou moins passionnant, le rêve se heurtant parfois à la dure réalité ou un contexte difficile ou un moment moins intéressant, mais aussi, bien souvent, un palier supplémentaire dans la découverte d’alternatives à portée de main pour déconstruire, ici et là, la société mortifère qui se révèle, de plus en plus, être une immense prison à ciel ouvert. Contrairement à ce qu’on nous raconte, le principal mur n’est pas tombé en 1989. Car il se trouve dans nos têtes et nous entrave dans notre faculté d’envisager la diversité des chemins possibles. Il y a tant de murs à abattre pour nous libérer ! Et l’un des principaux se situe sans doute dans notre faculté à agir ensemble, en convergence de luttes, par-delà les frontières, dans l’entraide et l’apprentissage mutuel. Autrement dit, arrêter de nous laisser diviser et opposer, dans la concurrence ou dans la guerre.

C’est toute la différence entre l’aide humanitaire et l’entraide solidaire : nous ne sommes pas là pour nous contenter de réparer un peu de ce que saccage massivement la société autoritaire et capitaliste, mais bien pour préparer ensemble sa destruction et son remplacement tôt ou tard, en donnant à voir la société que nous désirons.

Encore un grand merci à toutes celles et ceux qui ont déjà participé, d’une façon ou d’une autre, de près ou de loin, à toutes ces actions ! Toute cette énergie, elle vient de vous !

Vous êtes la vie qui trouve un chemin dans l’adversité, vous êtes la palpitation d’un cœur qui ne s’est pas encore arrêté malgré tous les pronostics, vous êtes ce que nous appelons « les fleurs dans les ruines ».

Vous êtes l’utopie qui n’a pas encore dit son dernier mot, pendant que beaucoup croient trop vite que tout est déjà fini, asphyxiés par le désespoir et la résignation que distille à longueur de journée cette société anxiogène.

Oui, tant que nous ne nous laisserons pas abattre, tout restera possible. Lutter, c’est vivre. Aimer et défendre la vie.

Anarmicalement à vous toutes et tous, par-delà nos différences,

Yannis Youlountas