Cinquième épisode : avec la cuisine sociale dans la rue

Retour en photos sur le Convoi solidaire vers la Grèce de février-mars 2019 (suite)

CINQUIÈME ÉPISODE : AVEC LA CUISINE SOCIALE DANS LA RUE 🖤❤️

[cliquer sur les photos pour les agrandir]

Ce matin, Vangelis nous a rejoint, ainsi que Daouda.

Vangelis est très actif depuis sa jeunesse : dans les grandes luttes étudiantes des années 90, puis la fondation du mouvement antiautoritaire pour la démocratie directe en 2003 (surnommé AK), avant la création de plusieurs nouveaux lieux importants dans le quartier, à la fin des années 2000. Vangelis présente puis donne des nouvelles d’Exarcheia dans chacun des trois films : Ne vivons plus comme des esclaves, Je lutte donc je suiset L’Amour et la Révolution.

De son côté, Daouda raconte son parcours d’orphelin mineur en provenance de Cote d’Ivoire dans L’ Amour et la Révolution et son arrivée à Exarcheia : ses épreuves, ses joies, ses rencontres…

Vangelis et Daouda sont deux camarades très attachants, proches du groupe, drôles et affectueux.

Deux frères indéfectibles dans la grande famille de toutes celles et ceux qui luttent, à la fois pour la liberté et l’égalité.

 

Dans plusieurs lieux du quartier, des légumes sont à vendre, mais ils ont une particularité…

 

… ils sont à prix libre !

 

Mieux encore, la bouffe est carrément gratuite là où nous nous rendons aujourd’hui : au local principal de la cuisine sociale L’Autre Humain.

C’est plus précisément un réseau de 17 cuisines sociales de rue entièrement gratuites et autogérées !

Une petite vidéo pour en savoir plus ?

(6 minutes)

 

À l’origine du projet, Kostas était cadre supérieur dans une boite de pub, avant « la crise ». Il a ensuite perdu son boulot, avant de se retrouver dans la rue. C’est là, en voyant des sans abris se disputer les restes d’un marché qu’il a songé à organiser collectivement la récup’ dans l’entraide, fin 2011, puis à travers la création d’une cuisine de rue gratuite qui deviendra L’Autre Humain.

On peut voir la génèse de son initiative au début de Ne vivons plus comme des esclaves en 2013 (images de la cuisine tournées en 2012).

 

Kostas est très attachant, lui aussi. Infatigable, il ne s’arrête presque jamais, se donne à corps perdu dans la lutte pour la survie de centaines de sans abris qui comptent beaucoup sur cette structure autogérée devenue, au fil du temps, un réseau de cuisines de rue.

 

Kostas est très connu en Grèce. Le pouvoir et les médias ont essayé de le récupérer, mais s’y sont à chaque fois cassé les dents. Même les dirigeants européens ont essayé ! Mais Kostas a sèchement refusé leur « prix de la citoyenneté européenne », évidemment.

Il a son caractère, ne se laisse pas faire et ne mâche pas ses mots

 

Comme à l’habitude, la chaine se met en place pour livrer le contenu des fourgons prévus pour ce lieu.

 

À l’intérieur des cartons : surtout des aliments de base, des pâtes, de la sauce tomate, des lentilles, des repas protéinés spécifiques pour personnes dénutries, des couvertures de survie. Mais aussi des genouillères, des chevillères et des attèles pour les sans abris qui trainent un handicap physique suite à l’impossibilité d’obtenir une opération chirurgicale.

 

Du matériel de cuisine aussi, bien sûr.

 

On range tout ça dans la réserve, avant d’aller faire quelques courses aux alentours, pour compléter les rayonnages en fonction des besoins.

 

Dans son local principal, la cuisine sociale propose, en plus du reste, un petit-déjeuner pour les sans abris et les précaires. Ce lieu est très important pour de nombreuses raisons. Notamment, parce qu’il est dans un quartier très frappé par la misère, où l’on ne fait pas trois pas sans tomber sur un corps en détresse, où l’on ne tourne pas son regard sans apercevoir la faim sur les visages des personnes qui errent.

Un local pareil, hors d’Exarcheia (parce qu’Exarcheia a moins besoin de ce genre de dispositif) et donc de la possibilité d’occuper (parce qu’à Exarcheia, occuper est beaucoup plus facile), avec la nécessité absolue de protéger les stocks d’un risque d’expulsion, représente un coût.

C’est pourquoi, depuis un an, nous avons ajouté à notre soutien régulier une aide spécifique pour participer au loyer de ce local et de ses annexes.

En tout, en nous regroupant, nous arrivons à rassembler environ 300 euros/mois, c’est-à-dire la moitié du loyer total. Malheureusement, au fil des mois, certain-es participant-es ont du s’interrompre, mais heureusement, ils/elles ont été relayé-es récemment par d’autres, notamment au sein du convoi.

Si vous voulez nous aider dans ce regroupement solidaire pour participer au loyer et essayer d’atteindre ensemble 400 euros/mois (les deux tiers du loyer) ou plus, vous pouvez nous contacter à : solidarite@anepos.net en nous précisant combien vous pouvez donner par mois et pour combien de temps (si possible, jusqu’à la fin de 2019). Nous sommes justement en train de faire un nouveau point actuellement : c’est le moment idéal pour nous rejoindre, même très modestement, pour celles et ceux qui peuvent.

 

La journée avance. C’est l’heure d’aller faire la cuisine ensemble sur une place voisine. On emmène le matériel nécessaire.

 

Kostas, Yannis (de l’Autre Humain) et Michalis racontent des anecdotes, parfois légères et souvent terribles, que Yannis (du convoi) traduit.

Depuis 10 ans, ce qui s’est passé en Grèce montre parfaitement de quoi le capitalisme est capable, même en Europe. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau : il y a longtemps, au temps de Zola et d’Hugo, il l’a déjà fait. Le capitalisme peut revenir à ce niveau de violence économique et sociale dans les années qui viennent, en France comme en Grèce.

La première forme visible de ce phénomène, c’est le déclassement d’une partie des classes moyennes qui se paupérisent. Le mouvement des Gilets Jaunes n’est-il pas, entre autres, le symptôme de cette évolution brutale en France ?

 

La cuisine commence !

 

La faim frappe tous les âges

 

Parmi les précaires, certain-es vont manger avec nous, mais d’autres vont partir avec la nourriture. C’est leur libre choix.

 

« La seule façon de te sauver toi-même, c’est de lutter pour sauver tous les autres. »

Nikos KAZANTZAKIS, Alexis Zorba (1946)

 

En attendant que le repas soit prêt, Patrick sort sa cornemuse !

 

Malgré la faim, le froid et l’impatience, les visages reprennent des couleurs. On tape dans les mains, on siffle…

 

On sourit…

 

On se met à danser…

 

Ensemble, par-delà nos différences…

 

Yannis sort quelques vélos pour les enfants. Un petit atelier s’improvise. On met les selles à la bonne hauteur. On vérifie si chaque cadeau est bien en état de marche.

 

Céline et Pascale enlèvent des roulettes inutiles :
– Tu es bien trop grand pour des roulettes !

On distribue aussi des casques…

 

Et des tricycles pour les plus petit-es…

 

 

Achille et Dorian jouent avec les enfants de la rue. Marco et d’autres membres du convoi complètent les équipes.

Tout autour, des tags appellent à protéger les enfants venus d’ailleurs contre la vermine fasciste. Certains font référence à l’Antifa League d’Athènes, des tournois de foot autogérés, gratuits et sans vainqueur contre le racisme et le fascisme.

 

Ça y est ! Le repas est prêt ! Sarah et Yannis (de l’Autre Humain) préparent les barquettes.

 

Certains sans abris ont leurs propres boites. Parfois, ils emmènent ailleurs de la nourriture pour d’autres.

 

Après être allé montrer son vélo à sa famille qui campe un peu plus loin, Razvan revient chercher de la nourriture.