Lettre à Facebook

Cher Facebook,

Tu le sais, on n’a jamais été copains. Pendant des années, je t’ai boycotté, jusqu’à ce que des proches arrivent à me convaincre (il y a deux ans) de l’utilité d’être présent dans ton agitation stérile pour essayer de faire connaître et propager nos idées en tous points opposées aux tiennes.

Dès le début, notre rencontre a été houleuse : tu as suspendu mon compte à plusieurs reprises, comme beaucoup d’autres, allant jusqu’à exiger une copie de ma carte d’identité pour prouver que j’étais bien une personne réelle dans ton réseau pourtant chimérique : ton monde d’apparence où prospèrent les prophètes en robes-de-chambre, les casse-bonbons du détail soporifique et les trolls néo-nazis déguisés en poupées Barbie.

Qui plus est, tu as censuré à plusieurs reprises certaines œuvres, y compris parmi mes publications, notamment la couverture d’une ancienne édition de mes Poèmes ignobles sous prétexte de « nudité ». En réalité, il ne s’agissait que d’une innocente paire de seins, mais sans doute était-ce déjà trop pour ta pudibonderie notoire.

Mais voilà qu’aujourd’hui, je reçois un message de toi pour me punir à nouveau : cette fois, je ne peux plus recevoir les invitations de mes connaissances sous prétexte que je ne réponds pas aux innombrables propositions grotesques que tu me fais parvenir.

En effet, toi l’inquisiteur tout-puissant de mon identité et de mes images, voilà que tu me bombardes quotidiennement avec des candidatures péripatéticiennes aux pseudonymes évocateurs et aux photos sulfureuses. En d’autres termes, tu me proposes toutes les semaines des dizaines de professionnelles du sexe en culotte – quand elles ne l’ont pas oubliée – tout en me pressant de me prononcer sur ces mises en relation saugrenues.

Tu as de la chance que je ne sois pas aussi puritain et rigoriste que toi, sinon pour toute réponse, je t’aurais collé un procès pour harcèlement sexuel, proxénétisme et non respect de ta propre charte.

N’ayant ni le goût des tribunaux ni celui des cours de morale, je te laisse à tes errements contradictoires et à tes menaces qui m’indiffèrent totalement. A défaut de pouvoir continuer à recevoir des invitations de mes connaissances ici-même, j’irai simplement prendre l’apéro chez elles, loin des aberrations autoritaires de ton funeste réseau.

Yannis Youlountas