SINE DIE
C’est déjà dur d’être en deuil d’un ami et actuellement loin du groupe des proches et du journal qu’on faisait tous ensemble. Épargnez-moi les citations déformées et tronquées sur Siné, en totale méconnaissance de celui qu’il était. Je sais que l’heure est à l’orgie des charognards sur sa dépouille, mais pas ici. Merci.
SINE DIE
Celui qu’on appelait Bob était un anticlérical forcené comme on en fait plus : d’une violence inouïe contre toutes les religions, absolument toutes, à l’instar des athées militants qui risquaient
leur peau au XVIIème et au XVIIIème siècle.
Idem sur le plan politique, évoquant très souvent, avec nous, Ravachol, Vaillant, Caserio et d’autres anarchistes insurrectionnalistes du XIXème.
Non, Siné n’était pas un méchant, c’était juste un dur. Un dur de dur dont la patte, affectueuse pour ses proches et les gens qu’il aimait, faisait parfois jaillir des griffes acérées, sur le papier comme dans les paroles. Un insoumis impénitent qui n’avait pas peur de froisser, de déplaire, de laisser de côté la démagogie, les convenances et les renvois d’ascenseurs éditocratiques, pour déballer sans retenue tout ce qu’il avait sur le cœur, selon l’humeur du moment.
Oui sur le cœur. Un grand cœur. Celui d’un fameux bonhomme, d’une gentillesse inouïe en vérité, qui a marqué les soixante dernières années plus que toutes les marionnettes médiatiques qui, depuis hier, le lapident, mais qui disparaîtront dans le même mouvement que leurs cendres, dès que la Camarde nous aura fait le plaisir de venir les faucher.
Et comptez sur nous, bande de charognards de salons, pour continuer à chier dans la colle et vous cracher à la gueule, sans la moindre retenue, jusqu’à notre dernier souffle.
Ni dieu ni maître, sine die !
Yannis Youlountas
Journal Siné Mensuel :
Film « Mourir plutôt crever » :
