L’écho d’un lointain souvenir

L’ÉCHO D’UN LOINTAIN SOUVENIR

Il fut un temps où ma modeste poésie ne s’exprimait pas à l’écran, mais sur les pages de quelques revues et livres. Sur les murs parfois aussi. Au fil des années, des musiciens amis ou inconnus y ont pioché quelques sources d’inspirations, connaissant mon refus du copyright et ma préférence pour le partage et le bien commun. Parmi ces poèmes, Super Mâché est une salve métaphorique contre les temples de la consommation, publiée dans le recueil Revol Vers, en 1999.

Jacques Durbec fut le premier à l’adapter en chanson en 2003, avant d’adapter d’autres textes du même tonneau pour une tournée de cafés-théâtre. Puis, ce fut le tour d’un groupe de hard rock en 2008, d’une façon étonnante. En 2011, Cyril Gontier sortit une nouvelle version du même poème, nettement plus rapide et accompagnée d’un clip vidéo :



Aujourd’hui, 25 ans après la parution Super Mâché, je découvre un autre clip reprenant ce poème, cette fois signé Lynette Horner et sa clique : avec Lynette à l’accordéon et au chant, Luccio à la basse, et Maître La Limace à la guitare.




Merci à vous d’avoir redonné vie à ce texte. L’écho d’un lointain souvenir.

SUPER MÂCHÉ !

Ceinturée de béton et de bretelles grises,
De ronds-points en boutons sur sa vieille chemise
A carreaux d’un asphalte écrasé de voitures,
Se dresse une cravate au-dessus des toitures.

Le sigle de la firme a son propre drapeau
Et tout ce qu’elle affirme est dans ses entrepôts :
Son tronc décapité régurgit vers la ville
Ses infinies dictées de réclames serviles.

Sans visage, son nom ruisselle dans les crânes ;
Et si l’esprit dit non, la bourse en filigrane
Poursuit son adultère effréné dans ce ventre,
Chaque soir d’inventaire où l’envie se fait chantre.

Haro sur les caddies et la gorge de fer,
Les barreaux-paradis roulent vers les affaires !
Digérés dans la poche au manège incessant,
Le client devient mioche et le chariot pensant.

Tourne dans les rayons, butine les cagettes,
Valse le papillon au milieu des gadgets,
Tant de légèreté, d’enthousiasme et d’ardeur !
Musique veloutée et blouses des vendeurs…

Les cliniques besoins se creusent et se remplissent,
Dans le champ magicien des articles supplices.
« Qu’importent les crédits, affichent les parois,
Dans mon antre ledit consommateur est roi ! »

Le temple du bonheur se poursuit dans la viande,
Délice du flâneur, et les télécommandes,
Vaisselle, tire-bouchons, soleils électriques,
Lunaires baluchons dans la voûte gastrique.

Enfin, le bout du monde et son sableux péage :
Une caissière blonde offre son bleu rivage,
Ses lèvres cinéma, à la foule anonyme
Sortant de l’estomac en artifice ultime.

Y.Y.