« Koufontinas nous montre le vrai visage du pouvoir»

6 mars 2021. Dimitris Koufontinas est encore vivant, après avoir frôlé la mort hier. Ses médecins personnels restent privés du droit de pénétrer dans l’hôpital gardé par la police. L’État joue la montre, fait durer la dernière décision attendue, tout en l’empêchant de mourir. Une torture mentale et physique que les manifestants ont dénoncée hier soir avant d’être violemment réprimés. Nouveaux rassemblements en ce moment, partout en Grèce, appuyés par des actions solidaires ailleurs dans le monde. Le fils de Dimitris vient d’être arrêté à l’instant…

« KOUFONTINAS NOUS MONTRE LE VRAI VISAGE DU POUVOIR»

Cette phrase a été prononcée par une de mes connaissances hier : une dame proche de ma famille paternelle en Grèce, voisine discrète qui jusqu’ici n’avait jamais parlé politique avec nous. Elle avait toujours semblé distante avec les luttes et les actions solidaires, plutôt passive devant sa télé quand on passait voir si tout allait bien. Et là, tout à coup, malgré la propagande médiatique au sujet du « criminel sanguinaire qui menace la République » (comme l’ont encore présenté plusieurs ministres), la voilà qui exprime enfin sa révolte pour la première fois : « Je n’aime pas Koufontinas, mais ce qu’ils lui font est horrible ! Ils ne peuvent pas le laisser un peu tranquille ? » et d’ajouter : « Moi aussi, je soutiens Koufontinas face à tous ces pourris. Il nous montre qui sont les vrais monstres. Dans son malheur, Koufontinas nous montre le vrai visage du pouvoir.»

Une nouvelle génération de révoltés ?

Hier soir à Athènes, les manifestants n’ont pas pu rejoindre la place du Syntagma devant le parlement. Le pouvoir craint que la situation s’envenime et devienne incontrôlable. Plusieurs ministres ont évoqué le risque d’un décembre 2008 bis (émeutes partout en Grèce après l’assassinat du jeune Alexis Grigoropoulos par un policier dans le quartier d’Exarcheia). En conséquence, les mesures anti-covid19 ont été opportunément durcies, il y a trois jours, au moment-même où les manifestations se multipliaient et devenaient plus nombreuses, rassemblant un arc très large d’opinions politiques. Hier soir, des amendes de 300 euros ont frappé des manifestants pour cause d’interdiction de circuler et de couvre-feu. La mention « déplacement pour venir en aide à quelqu’un dans le besoin » a été brutalement supprimée dans le formulaire officiel à télécharger, car c’est la case que cochaient les nombreux manifestants partout en Grèce. Présent dans la manifestation d’Athènes, le fils de Dimitris Koufontinas, Ektoras Koufontinas, a été empêché, lui aussi, de marcher pour son père, de même que les juristes en première ligne qui ont subi les canons à eau, après un face-à-face tendu avec les MAT (CRS). La soirée s’est terminé par des affrontements du côté d’Exarcheia : le quartier anarchiste reste encore une zone de repli lors de tensions en centre-ville, bien qu’il ne soit plus aussi bien protégé qu’avant. 8 des nombreuses interpellations se sont transformées en arrestations, principalement pour transport ou utilisation de cocktail Molotov. 7 des 8 personnes arrêtées sont mineures : confirmation de l’émergence d’une nouvelle génération parmi les révoltés, phénomène qu’on a également pu vérifier autour des manifestations lycéennes et étudiantes très nombreuses ces derniers mois. Une génération écœurée par la politique de Mitsotakis, qui n‘attend rien d’un hypothétique retour au pouvoir de Tsipras dans deux ans, et qui étouffe dans le contexte de pandémie qui fait l’objet de mesures très restrictives en Grèce.

Mobilisation sans frontières

Autre nouvelle qui touche beaucoup les soutiens de Koufontinas : la mobilisation internationale aujourd’hui semble très importante. Même George Ibrahim Abdallah, le plus ancien prisonnier de France, qui est encore enfermé après 37 ans de prison (10 ans de plus que Mandela !) alors qu’il est libérable depuis 1999, participe à cette journée internationale de soutien à Koufontinas : le prisonnier libanais a décidé de se mettre en grève de la faim aujourd’hui, en soutien à son camarade grec. Autre exemple : la participation de Jean-Marc Rouillan, que j’ai été chargé d’appeler de la part du comité de soutien de Koufontinas. Jean-Marc a tout de suite dit oui à une demande de rencontre-débat par Skype autour de la souffrance carcérale pour l’assemblée de Thessalonique, lui qui a également passé de nombreuses années en prison et qui a continué à subir l’acharnement de l’État par la suite. De nombreuses régions du monde nous arrivent sans cesse des messages de soutien et des actions en solidarité avec le gréviste de la faim et de la soif qui est en train de mourir à Lamia, au centre de la Grèce.

Koufontinas privé de ses médecins

Dans le même temps, les médecins personnels de Dimitris Koufontinas restent privés du droit de pénétrer dans l’hôpital gardé par la police. Thodoris Zdoukos et Katerina Douzepi ont fait la déclaration suivante :
« L’état de santé du gréviste de la faim et de la soif Dimitris Koufontinas est extrêmement critique, car il a développé une insuffisance rénale aiguë et il existe maintenant un risque fort de coma ou de mort subite. En raison de la gravité de la situation, en tant que médecins du choix personnel de Dimitris Koufontinas que nous avons visité à plusieurs reprises à la prison de Domokou puis à l’unité de soins intensifs de l’hôpital de Lamia, nous avons demandé à l’administration de l’hôpital général de Lamia la possibilité de pouvoir continuer à venir, à la demande de notre patient. Nos collègues de l’unité de soins intensifs sont d’accord. Pourtant, malgré nos efforts répétés pour obtenir le permis correspondant, cela n’a pas été possible. Hier, le directeur de l’hôpital, Andreas Kolokythas, apparemment à la demande du gouvernement, a encore refusé — sous prétexte des mesures de protection contre le covid19 — de nous envoyer les certificats pour notre déplacement et notre entrée. Aujourd’hui, il ne répond même plus à nos appels sur son téléphone personnel, ni à son bureau, ni par courriel. Nous appelons le ministère de la Santé et le directeur de l’hôpital général de Lamia de cesser cette tactique et de nous permettre de visiter notre patient Dimitris Koufontinas à sa demande, en nous envoyant les certificats nécessaires.
Katerina Douzepi, anesthésiste, et Theodoros Zdoukos, médecin généraliste»

Interdiction de mourir

Pour le moment, ni le directeur de l’hôpital général de Lamia ni le ministre de la santé n’ont daigné répondre à la lettre ouverte des médecins de Dimitris Koufontinas. Pour ajouter à cette torture mentale et physique, le Comité central des transferts (KEM) n’a pas pris le temps de décider, hier, du transfert ou pas de Dimitris Koufontinas dans sa première prison, celle de Korydallos à l’ouest d’Athènes. Bien que l’urgence de cette réponse soit notoirement connue vu l’état de santé du gréviste de la faim et de la soif, la présidente du KEM n’a pas trouvé utile de se dépêcher. Elle promet une réponse « dans les prochains jours », provoquant la colère des soutiens du prisonnier qui peut mourir d’un moment à l’autre. La présidente du KEM, Sofia Nikolaou, est aussi la secrétaire générale de la politique anti-criminalité, membre du parti de droite Nouvelle Démocratie et proche du premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis. Concernant l’état de santé du gréviste de la faim et de la soif, elle a répondu aux journalistes : « Nos médecins veillent sur lui, ils ne le laisseront pas mourir. Ils l’ont déjà réanimé une fois, ils le referont si nécessaire. Hier, après l’avoir réanimé, nos médecins n’ont pas eu besoin de le forcer pour lui administrer le sérum, car il a finalement accepté. Mais si nécessaire, ils lui administreront contre sa volonté. Ce n’est pas à lui de décider. »

Le fils de Koufontinas arrêté à l’instant

À l’instant, le nouveau rassemblement place du Syntagma, devant le parlement, vient d’être violemment réprimé et dispersé par la police. Ektoras, le fils de Dimitris déjà privé du droit de voir son père, vient d’être brutalement embarqué par les flics* parmi d’autres manifestants pourchassés. Des affrontements ont lieu actuellement dans plusieurs rues d’Athènes. Par son acharnement, ses provocations et sa férocité, le gouvernement pourrit quotidiennement la situation. Une attitude qui pourrait bientôt se retourner contre lui, car la révolte gronde en Grèce.

 

Yannis Youlountas
* Vidéo : https://twitter.com/ThePressProject/status/1368153908900724737

 

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