Exarcheia, mon amour !

Hier, une rumeur insistante évoquait une possible évacuation du squat Notara 26 pour ce lundi matin, une semaine exactement après l’évacuation de Spirou Trikoupi 17.

EXARCHEIA, MON AMOUR !

Alors, je suis venu, bien que je n’étais pas de garde. Je suis venu par solidarité pour le lieu et pour celles et ceux qui y vivent. Je suis venu également pour partager la responsabilité en cas d’arrestation. Mais je suis venu aussi par amour.

Nos lieux sont des histoires, des histoires de luttes, des histoires de vie, des histoires d’amour. Venir passer la nuit entière, quand on n’a pas dormi depuis deux jours, c’est une manière de dire je t’aime.

Exarcheia n’a jamais compris la différence entre le jour et la nuit. Mais l’État veut absolument lui apprendre. Le gouvernement l’a décidé et croit pouvoir l’imposer. C’est peine perdue. Exarcheia ne se laissera pas domestiquer, régler, conditionner. Exarcheia ne marchera pas au pas, ni sur le cadran de la montre, ni sous les injonctions du pouvoir.

Ici, nous faisons tout à l’envers, nous vivons intensément comme si la mort allait nous rattraper et nous ne basculons dans le sommeil que par épuisement. À mes côtés sur la photo, Eleftheria, Despina et Mimi ont également fait la totalité de la nuit. Idem pour la plupart des autres : résident.es et solidaires qui ne sont pas sur la photo et qui ont veillé sur le lieu et le sommeil des dizaines de familles dormant au-dessus.

Chaque heure qui passe est un cadeau. Même les plus difficiles. Alors après avoir gardé le K*Vox hier soir, puis bossé toute la journée d’un endroit à l’autre, puis m’être parfumé de « Lacrymo n°5 » dans les émeutes du crépuscule, j’ai juste fermé les yeux cinq minutes sous la douche puis je suis venu.

Quand on aime, on peine à dire non, à laisser l’autre, à se protéger, se replier, se reposer. On se déplie à nouveau, de tout son long, et on retrouve une improbable énergie qu’on croyait ne plus avoir sitôt l’escalier, la rue ou la porte franchie.

Non, ne pas dormir pour Exarcheia, ce n’est pas se sacrifier, mais juste aimer. Aimer cette idée mise en acte, avec ses succès et ses échecs, ses joies et ses peines, ses forces et ses faiblesses. Aimer les humains qui en sont le cœur, mais aussi les chats du quartier (pas tous noirs), ou encore les adespotes : ces chiens errants qu’on nourrit contrepartie, qui squattent aussi en groupe des abris de fortune et qui vivent résolument sans maître !

Exarcheia mon amour, je t’ai filmée, je t’ai photographiée, je t’ai racontée, je t’ai taguée, je t’ai emporté avec moi dans tous mes voyages avec à chaque fois la crainte de ne pas te revoir.

Qu’importent les menaces que nous lancent tes envahisseurs dans tes rues parfois barrées — cette armée d’occupation qui prétend apporter l’ordre alors qu’elle nous déclare ouvertement la guerre. Qu’importent les coups et les procès qui viendront. Je suis là pour toi et pour l’utopie que tu portes. Je suis là pour que, quoiqu’il arrive, ta mémoire subsiste et tes graines continuent à se répandre aux quatre vents. Je suis là avec d’autres pour te transmettre, chaque jour, les messages de plus en plus nombreux qui nous arrivent du bout du monde pour toi.

Des communiqués de soutien. Des photos d’encouragement. Des lettres d’amour.

Yannis Youlountas

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