Exarcheia : l’État et les fascistes main dans la main contre les anarchistes et les migrants (preuves en images)
Alors que l’attaque contre le quartier rebelle et solidaire d’Athènes vient de commencer lundi, les masques tombent !
EXARCHEIA : L’ÉTAT ET LES FASCISTES MAIN DANS LA MAIN CONTRE LES ANARCHISTES ET LES MIGRANTS (PREUVES EN IMAGES)
Oui, vous avez bien lu : parmi d’autres, ce sont des policiers portant des écussons fascistes qui ont commencé le « nettoyage d’Exarcheia » (photo #1). Ils ne se sont pas cachés de leur appartenance et n’ont pas manqué de faire du zèle.
Alors qu’Aube Dorée est en train de disparaître, vaincu dans la rue par les groupes antifascistes, que ses locaux ferment les uns après les autres, que son siège va bientôt être mis en vente, que son quartier fétiche a été abandonné et que les démissions de ses responsables pleuvent depuis la perte de tous ses sièges au parlement, une chose permet tout de même aux néonazis de se réjouir : l’assaut de l’État grec contre le quartier libertaire et antifasciste où vivent librement beaucoup de migrants.
C’est une véritable revanche pour les néonazis grecs dont certains travaillent dans la police et se reconnaissent parfois à des signes de reconnaissance faisant directement allusion à la mythologie d’Aube Dorée. C’est pour eux un moment exceptionnel que de participer à l’assaut contre le bastion antiautoritaire d’Athènes.
Sur Internet, la fachosphère est surexcitée à l’idée de « voir Exarcheia disparaître ». Beaucoup de dessins évocateurs montrent des fascistes en train de détruire des symboles anarchistes (photo #2) ou jeter des réfugiés dans des camps.
Le storytelling de l’attaque d’hier dans les médias est complètement déformé, comme on pouvait s’y attendre. On y parle de traitement humain et même de délicatesse. C’est faux, bien sûr ! Des violences et des destructions ont été commises et nous en avons les preuves.
Plusieurs réfugiés ont été secoués et insultés, jusqu’à une petite fille qui a été poussée brutalement par des policiers violents au point d’avoir une dent cassée (photo #3) comme le confirment les membres du Spirou Trikoupi 17.
Beaucoup d’affaires ont été détruites et jetées, y compris des souvenirs qui pour nous avaient une grande importance. Des chaises ont été cassées (photo #8) avant d’être jetées dans le camion benne et même des paquets de couches ont été vus mélangés aux poubelles.
Durant sa campagne, Mitsotakis prétendait s’attaquer à des terroristes. En réalité, il ne s’est attaqué qu’à des paquets de Pampers (de nombreux paquets de couches et d’autres fournitures pour les enfants que les membres des convois passés connaissent bien). Mitsotakis prétendait que nos squats servaient de caches au trafic de drogues. Il n’a trouvé que des jouets et quelques bonbons.
En réalité, c’est lui qui a terrorisé des enfants en pleurs (photo #9) et des femmes qui luttaient pour leur émancipation (preuve en est la sublime participation des femmes et des fillettes du squat Spirou Trikoupi 17 à la manif du 8 mars dernier comme le montre la photo #11). C’est lui a renvoyé ces gens vers des camps via le commissariat spécialisé de Petrou Ralli (photos #12 à 14).
Pendant ce temps, des témoins ont entendu plusieurs des types qui ramassaient ce qui restaient rirent bruyamment autour des camions bennes, ce qui confirmaient clairement l’ampleur du racisme de ces gens venus « virer du migrant » (photos #15).
Voyant le quartier se réveiller et de plus en plus de militant.es se rapprocher de la zone (principalement le quart nord-ouest d’Exarcheia), la police antiterroriste s’est déployée une deuxième fois pour repousser une éventuelle contre-attaque, armes automatiques en mains (photos #16 à 21). Plusieurs de ces hommes cagoulés et surarmés ont bruyamment ironisé :
— Alors, ils sont où les antifas ?
Durant les infos de la mi-journée, les médias au service du pouvoir s’en sont donné à cœur joie, insistant sur la revanche de l’État contre la chienlit, « le retour de l’ordre et de la loi » (nom donné à l’opération par Mitsotakis lui-même). Plusieurs JT et sites ont titré : « la police (EL.AS) est entrée dans Exarcheia pour y rester » (photo #22).
En d’autres termes : la police tente d’occuper Exarcheia. D’autres journaux télévisés, comme celui d’ERT, ont à nouveau insisté sur la présence d’étrangers d’Europe occidentale et en particulier de Français parmi les solidaires sur place, mentionnant que l’un des trois militants arrêtés dans le squat de la Kalidromiou est un Français (photo #23).
D’autres encore ont montré des photos prises à l’intérieur du squat Spirou Trikoupi 17 en évoquant des conditions de vie prétendument indignes. Regardez bien la photo #24 et dites-moi franchement : vaut-il mieux vivre ainsi, librement, dans le respect et l’égalité, ou bien sous une tente (ou dans un container étouffant), dans un camp fermé ?
Ce que n’ont pas montré les médias au service du pouvoir, c’est la photo qu’avait prise le couple Mitsotakis, il y a quelques mois, en posant devant l’une des photos d’une exposition sur les réfugiés. Pourtant, elle aurait bien montré l’hypocrisie de ces gens en les associant à l’une des photos de l’évacuation qu’ils ont commanditée (photo #25).
À partir de 18 heures, durant la soirée d’hier, des militant.es d’Exarcheia se sont rassemblé.es autour du Notara 26 pour manifester leur soutien, sous la banderole NO PASARAN et les nouvelles affiches (photo #26 à 29).
Puis une manif sauvage s’est improvisé en direction de la place centrale du quartier, attirant de plus en plus de monde des alentours. Plus de 1000 personnes au total, malgré la forte baisse de population du quartier en août (comme partout ailleurs dans Athènes). Là, les manifestant.es ont chanté leur révolte devant des flics de plus en plus nombreux et équipés. Et finalement, quelques camarades ont réussi à accrocher une banderole « You can’t evict a movement » (vous ne pouvez pas évacuer un mouvement) sur la façade du Spirou Trikoupi, muré comme son voisin le squat Transito au numéro 15 (photos #30 à 34).
Durant la nuit, plusieurs actions de représailles ont immédiatement eu lieu en Grèce, par exemple au local du député Nouvelle Démocratie (le parti de Mitsotakis) à Patras. De la peinture rouge et un tag : « Bas les pattes, ne touchez pas aux occupations ! NO PASARAN ! » en guise de « réponse » pour la « défense d’Exarcheia » (photo #35).
Simultanément, en France, des affiches de soutien à Exarcheia ont été collés dans plusieurs villes, notamment à La Réole près de Bordeaux (photo #36).
Dès le lendemain matin, des banderoles étaient hissées dans plusieurs villes : Fougères, Madrid, Rome, Berlin, Vienne, Chicago, Saillans jusque dans la forêt occupée de Osterholz à Wuppertal en Allemagne, sans oublier des dizaines de photos de soutien qui nous ont été envoyées spontanément par de nombreux compagnons de luttes, parfois avec leurs enfants (photos #37 à 42).
À Athènes et ailleurs en Grèce, les réunions se sont multipliées malgré le mois d’août et il y a de plus en plus de monde. Des actions se préparent jusque dans certaines villes lointaines. À Athènes, un grand rassemblement aura lieu place Exarcheia ce samedi à midi. Et une très grande manif de rentrée aura lieu le 14 septembre, avec probablement beaucoup de monde.
Le gouvernement veut évacuer les anarchistes et autres révolutionnaires du quartier ? Il aura fort à faire, car Exarcheia, c’est aussi Rouvikonas et d’autres groupes moins connus mais bien déterminés à ne pas se laisser faire. Et il y a surtout d’autres rebelles dans d’autres quartiers qui ne sont pas d’accord avec ce caprice du prince.
L’État et les fascistes veulent expulser les migrant.es ? Ça risque aussi d’être compliqué : les arrivées sur les côtes de l’Est de la mer Égée sont si nombreuses qu’on n’a pas vu ça depuis 2016. D’ailleurs le pouvoir le sait puisqu’il vient d’entasser 21 000 migrants dans les îles de l’est égéen, dont 9 300 dans le sinistre camp de Moria (Lesbos) où plusieurs réfugiés sont morts de mauvais traitement ces derniers mois.
Pire encore, l’État a placé 600 migrant.es mineur.es isolé.es dans un camp soit disant spécialisé de 150 places, toujours sur l’île de Lesbos. Les conditions de vie sont tellement dures dans ce camp fermé et exigu que des bagarres éclatent souvent. L’une d’elle, dimanche, a vu la mort d’un adolescent afghan. Il avait voulu fuir l’horreur qui sévit dans son pays de naissance et il est finalement mort à l’âge de 15 ans dans un camp fermé conçu par l’Union européenne en Grèce (on se rappelle des séjours de Bernard Cazeneuve et de ses fonctionnaires et techniciens à Lesbos en 2016).
Le fascisme n’est pas mort avec la disparition d’Aube Dorée. Il est bel et bien vivant. Et il est décidé à prendre sa revanche, en Grèce, contre l’essor des utopies antiautoritaires ces dernières années et l’accueil exemplaire des réfugié.es par le mouvement social bien mieux que par l’État.
C’est donc bien plus que l’évacuation d’un quartier unique en Europe qui menace de se produire, mais aussi l’affrontement de deux visions diamétralement opposées du monde.
NO PASARAN !
Yannis Youlountas
PS : quelques chiffres pour celles et ceux qui nous ont posé des questions, même si je n’aime pas trop faire l’inventaire des nationalités. Il y a eu 3 militants arrêtés rue Kalidromiou (dont un Français). 143 réfugié.es arrêtés rue Spirou Trikoupi dont 10 sans documents. Parmi les 143 : 61 Afghans, 39 Érythréens, 17 Irakiens, 12 Iraniens, 11 Turcs (en réalité beaucoup de Kurdes parmi ces trois provenances), 1 Camérounais, 1 Syrien et 1 réfugié politique d’Arabie Saoudite. Au total : 57 hommes, 51 femmes et 35 enfants (sur les deux squats de Spirou Trikoupi).
45 squats sont dans le collimateurs de l’État au centre d’Athènes dont 25 dans des lieux publics et 20 dans les lieux privés. 23 sur les 45 (plus de la moitié) sont dans le quartier d’Exarcheia, dont 12 squat de réfugié.es/migrant.es et 11 squats de groupes anarchistes, antiautoritaires ou révolutionnaires (dont le plus plus connu est le K*Vox, base de Rouvikonas).
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