Alerte au contresens !

Depuis six ans, avec Maud, nous recevons des dizaines de photos reprenant diversement les titres et slogans de nos films.

ALERTE AU CONTRESENS !

On a tout vu ou presque : en rouge ou en noir, sur des murs ou sur le bitume, sur des vitrines de magasins de luxe ou sur des distributeurs de billets, sur des pavés et même sur des cocktails Molotov, sur des barricades ou sur des ZAD, sur des casques de chantier ou sur des gilets jaunes, sur des cahiers d’écolier ou dans des chansons, sur des pancartes ou sur des banderoles…

Mais un titre de nos films peint en bleu-blanc-rouge* et suivi par « Force et honneur », ça, jamais ! Et ensuite, jusqu’où ça ira ?

Comprenons-nous bien : nos films ont été réalisés pour inspirer les résistances et sont régulièrement projetés dans des lieux de luttes, des occupations, des manifestations… Nous sommes très heureux qu’ils vivent sans nous au sein des mouvements sociaux du monde entier, parfois à 15 000 km d’Athènes.

Par contre, il ne faudrait pas oublier l’origine de ces films et le sens de ces slogans.

Comme l’explique Tasos Sagris à un quart d’heure de la fin du film Ne vivons plus comme des esclaves, le slogan du même nom est né dans le refus du pouvoir et de l’exploitation, dans des circonstances très particulières, avant de devenir l’un des principaux slogans de la résistance anticapitaliste et libertaire en Grèce :


(à 1:11:55)

 

Il s’agit clairement d’un slogan qui rejette tous les pouvoirs, les États, les frontières et jusqu’à la société de consommation d’un même bloc.

Bien sûr, ce n’est pas une marque déposée et chacun peut en faire ce qu’il veut : une marque de PQ, un nom de hamburger chez McDo, le titre du prochain livre de Zemmour ou même le slogan de la campagne de Le Pen en 2022…

Nous n’y pouvons rien. Mais si les intéressés veulent éviter un contresens ridicule, il vaut mieux qu’ils vérifient avant ce que signifie vraiment ce slogan.

Je n’ai rien contre les Gilets Jaunes des Ardennes que je ne connais pas. J’ai déjà exprimé ma bienveillance envers beaucoup de groupes locaux de Gilets Jaunes qui ont souhaité projeter nos films (pas besoin de demander) et reprendre nos slogans. Je sais aussi qu’il y a énormément de disparités d’un endroit à l’autre entre ces groupes : le meilleur et le pire. J’ai d’ailleurs écrit quelques textes à ce sujet.

Mais de grâce, épargnez-nous les couleurs nationales et une devise militaire qui a conduit à la mort des milliers de personnes !

Camarades des Ardennes et d’ailleurs, entendez-moi, l’émancipation sociale ne viendra pas d’un repli sur soi, bien au chaud à l’abri des frontières, pas plus que de petites réformettes illusoires pour moins d’impôts et plus de démocratie.

Ne jouez pas petits bras, allégez vous de ce qu’on vous a fait croire, regardez dans les yeux le Léviathan qui vous opprime et visez-le clairement là où ça fait mal.

Le pouvoir est un voleur de vies. Il nous vole nos vies de trois façons :
– en nous faisant souffrir, dans des conditions de vie inacceptables ;
– en nous tuant parfois, dans la répression, les scandales sanitaires, les accidents du travail, les guerres ;
– en nous privant de la liberté de choisir pleinement l’existence que nous désirons (problème qui subsiste même pour celles et ceux qui vivent dans des conditions supportables, mais qui sont soumis également à ses caprices).

Ne visez pas à côté : c’est le pouvoir qu’il faut détruire et le capitalisme avec lui. Ce sont des constructions symboliques illusoires qui leur ont permis de diviser pour mieux régner. Ce sont, en particulier, les patries infanticides qui ont fusillé, enfermé, déporté, colonisé, humilié, torturé, affamé une grande partie de nos ancêtres d’un bout à l’autre de la planète.

Camarades, nous ne sommes pas les enfants de cette calamité ensanglantée, nous sommes les enfants de la Terre.

Luttons ensemble par-delà les frontières pour sortir du piège infernal qui nous maintient dans la domination et l’exploitation.

C’est reculer que d’être stationnaire. C’est se soumettre que quémander quand il s’agit d’arracher. C’est se brimer que limiter sa revendication légitime, alors que la seule chose à faire est de renverser la table.

Osons dire vraiment ce que nous avons dans le ventre, dans le cœur, dans la tête, et cessons les circonvolutions, les petits calculs inutiles et les demi-mesures.

Prenons entièrement et définitivement nos vies en mains.

Ne vivons plus comme des esclaves !

ΝΑ ΜΗΝ ΖΗΣΟΥΜΕ ΣΑΝ ΔΟΥΛΟΙ!

Yannis Youlountas

* cf. photo de la manif de samedi des Gilets Jaunes dans les Ardennes.