Huitième épisode : départ en Crète sous haute tension
Retour en photos sur le Convoi solidaire vers la Grèce de février-mars 2019 (suite)
HUITIÈME ÉPISODE : DÉPART EN CRÈTE SOUS HAUTE TENSION 🖤❤️
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Si vous avez raté les sept premiers épisodes
1 – DE MARTIGUES À ANCONA
blogyy.net/2019/03/24/
2 – DU FERRY À ATHÈNES
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3 – L’ARRIVÉE À EXARCHEIA
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4 – ROUVIKONAS, LES DISPENSAIRES ET L’AG DU NOTARA
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5 – AVEC LA CUISINE SOCIALE DANS LA RUE
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6 – AVEC LES EXILÉ-ES ET LES ANTIFASCISTES
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7 – EXARCHEIA FAIT L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE
http://blogyy.net/2019/04/
À suivre, demain et après-demain, les deux derniers épisodes :
9 – LA ZAD RENAÎT À KASTELLI
10 – LA LUTTE S’ÉTEND CONTRE L’AÉROPORT
Présentation :
Ce convoi fut non seulement le plus grand, mais sans doute le plus réussi de ces dernières années, aux côtés des principaux collectifs de lutte et de solidarité en Grèce. Une action qui a réuni des compagnons et camarades au départ de la France, de la Suisse, du Québec et de la Belgique pour se rejoindre en secret à Martigues afin d’y former un convoi de 26 fourgons et 65 conducteurs, avant de reprendre la route vers l’Italie puis la Grèce.
Dernier matin à Exarcheia pour la majorité des membres du convoi en partance pour la Crète. C’est ce soir que 16 des 26 fourgons devront rejoindre rapidement et discrètement le Pirée pour embarquer sur le ferry pour Héraklion.
Pourquoi rapidement et discrètement ? Parce que la rumeur de notre présence a encore nourri la sempiternelle haine des fascistes contre nous. Plusieurs camarades nous appellent à la plus grande méfiance. Certains ont remarqué des indices inquiétants, mais qui ne sont pas des preuves : beaucoup de questions d’inconnus pour savoir quand nous allons partir, des passages réguliers de personnes inconnues autour de plusieurs des véhicules réunis près du squat Notara et qui portent des tatouages plutôt caractéristiques du camp d’en face, de l’agitation sur un forum parait-il, mais qu’on n’a pas encore vu de nos yeux… Bref, ce matin, on est encore insouciants et surtout tristes de quitter nos copains/pines qui vont rester à Exarcheia ou rentrer en France et en Belgique.
Ça tombe bien, comme tous les matins, on a de la visite ! C’est le « président de l’association des photo-reporters indépendants » (on dit « président » pour le taquiner), l’excellent Marios Lolos, qui vient nous voir. Marios est vraiment l’un des meilleurs photo-reporters du mouvement social en Grèce. Il va un peu partout et fait des images extraordinaires qui reflètent bien notre réalité et non ce que veulent faire croire le pouvoir et ses valets suréquipés des médias mainstream.
Ce matin, Marios témoigne surtout de la situation des migrant-es piégé-es en Grèce :
— Un scandale qui devrait éclabousser beaucoup plus les dirigeants européens et les gouvernements. La plupart des camps sont une horreur. Heureusement que le mouvement social a créé des parades : des squats d’accueil où les résidents sont libres et autonomes, où ils expérimentent avec les solidaires grec-ques l’entraide, la démocratie directe et l’autogestion.
Marios est aussi l’auteur des deux photos qui sont mixées en fond de l’affiche de L’ Amour et la Révolution.
— Bravo Marios !
— Non, c’est vous à que je veux dire bravo pour tout ce que vous faites !
— Ben alors, bravo à nous tou-tes ! (éclat de rires)
En fait, la situation n’est pas drôle en ce moment. Nous sommes venu-es apporter notre soutien à Exarcheia dans une période difficile et peut-être décisive.
En premier lieu, la gentrification du quartier et des autres quartiers alentours gagne du terrain. C’est tout Athènes qui souffre de ce problème et Exarcheia est loin d’être épargné.
Bien sûr, ce n’est pas encore la catastrophe que certainsannoncent (des gens qui sont d’un pessimisme si brutal et excessif au sujet d’Exarcheia qu’on se demande franchement de quel côté ils se trouvent), mais c’est une question qui se pose chaque jour encore plus : saboter les hypothétiques travaux du métro, évidemment ! Mais faut-il aussi envisager la destruction pure et simple des lieux de spéculation immobilière qui se multiplient ? Oui, commence à répondre beaucoup de nos compagnons et camarades très en colère.
Au centre du quartier, une banderole (parmi d’autres) :
« LE MÉTRO ARRIVE !
SOYONS VIOLENTS CONTRE LA VIOLENCE
DE LA GENTRIFICATION ! »
Un peu plus loin, un graffiti géant décrit avec ironie cette réalité :
« EXARCHEIA
TOURIST GUIDE »
Le dessin annonce de futurs incendies au cocktail Molotov contre les appartements AIRBNB du quartier rebaptisés « FIRE BNB ». Idem pour les voitures de location qui se garent dans le quartier.
Pour finir, un coup de griffe anar contre la starification révolutionnaire, à commencer par le Che sur l’emballage d’un vulgaire paquet de Corn flakes : non, la révolution n’est pas un objet de consommation ! Soit on participe, soit on se barre !
C’est précisément le sens de l’action du convoi, aux antipodes du tourisme en tee-shirts bobos des paparazzis de passage qui pourraient tout autant être des flics (et qui le sont parfois).
Exarcheia en a marre. Le mouvement social est tendu, par-delà les vieilles divergences, les sempiternels conflits de lieux et de personnes, comme partout ailleurs. Il y a de l’Urgo dans l’air pour ceux qui veulent dénaturer le quartier.
Autre exemple, plus grave encore : la présence de dealers de plus en plus arrogants et menaçants sur la place Exarcheia.
Pourtant, les dealers avaient plusieurs fois été chassés du quartier ces dernières années. Mais un chef de la mafia, auteur et commanditaire de nombreuses violences, de coups de couteau sur plusieurs de nos camarades (blessés) ou encore de rafales de Kalachnikov sur l’un de noslieux, avait absolument voulu prendre le contrôle du quartier. Ambition qui lui a coûté cher quelques semaines plus tard. On ne rigole pas avec ça à Exarcheia.
Après maints avertissements et manifs des anarchistes du quartier, dont la dernière carrément en armes à la nuit tombée, le chef mafieux, après une énième tentative d’intimidation est finalement resté sur le carreau, non loin de la place (assassiné par balles).
Actuellement, la situation se tend à nouveau. Les rassemblements et manifs se multiplient. Si les mafieux et leurs dealers ne prennent pas rapidement leurs jambes à leur cou (et ne rangent pas leurs flingues et leurs crans d’arrêt), ils risquent de subir le même sort que leurs prédécesseurs, tôt ou tard.
En toile de fond de ce problème, l’État se régale de pousser la pègre à revenir dans le quartier et les dealers à vendre des saloperies absolument dégueulasses pour pas cher, parfois sous la protection des flics (comme on l’a vu à plusieurs reprises du côté de l’avenue Patission où se trouve l’un des cars de police permanents qui entourent le quartier).
Le but est très simple : faire croire que sans l’État et sa police, nous ne sommes pas capables de nous défendre, de nous organiser, de vivre tranquille.
La bonne blague ! Comme si la fonction première de l’État et de sa police était d’assurer la paix !
Non, ce n’est pas la paix. C’est le maintien d’un ordre ravageur, destructeur, guerrier, tant à l’égard des classes sociales dominées et exploitées que de multiples régions du monde entièrement piétinées.
Non, la société autoritaire et capitaliste, ce n’est pas la paix. C’est la guerre, la mort, la souffrance, l’humiliation, la destruction rapide et certaine de tout ce qui vit sur Terre.
Non, la société hiérarchique et bureaucratique, ce n’est pas l’ordre, c’est le désordre le plus total, la négation de l’intelligence collective, du droit de chacun à disposer de lui-même comme de celui de bâtir ensemble la société que nous désirons dans la liberté authentique, l’égalité réelle et la fraternité universelle.
Non, nous n’avons pas de leçons à recevoir d’un pouvoir qui nous vole nos vies.
Nous n’avons qu’un seul but, à Exarcheia comme ailleurs : le détruire et prendre pleinement nos vies en mains.
Autre cause de la colère qui monte dans le quartier : la multiplication récente des harcèlements et des viols.
Là encore, la réaction ne s’est pas faite attendre. Les camarades féministes ont pris cette lutte en main et sont très remontées.
Vu que tous les problèmes évoqués sont liés, la riposte qui commence devrait gagner de l’ampleur dans les semaines à venir et va probablement provoquer un bon coup de ménage dans le quartier.
Le slogan de cette lutte est simple : « contre le canibalisme social, réagissons ! »
Slogan auquel s’ajoute un ultimatum on ne peut plus clair : « ce sera eux ou nous ! »
Ailleurs dans Athènes, la tension monte également. Un autre fléau est à ajouter : l’homophobie dont la plus célèbre victime, il y a quelques semaines, était connue sous le nom de Zak et a été sauvagement assassinée dans des conditions qui restent obscures.
Et puis, il y a la misère. Une misère galopante qui dément tous les mensonges au sujet de la pseudo « fin de la crise grecque ». Le sujet est tellement tabou que même Facebook interdit de contredire la thèse officielle :
http://blogyy.net/2019/04/
« LE CAPITALISME DOIT TOMBER »
Un mur est tombé à l’est, il y a 30 ans. Mais l’autre est plus haut que jamais à l’ouest. À nous de provoquer sa chute dans les temps à venir.
Tiens, un hommage à Tardi sur les murs d’Exarcheia
Comme à chaque convoi, après la plupart des livraisons, une petite visite du quartier est organisée. Maud et Yannis animent la ballade et racontent des anecdotes et des moments historiques du quartier.
Yannis traduit aussi les tags, graffitis et affiches principales.
Exarcheia est habité par plus d’habitant-es qu’il n’y parait. Il y a plein de fantômes au coin des rues…
Il y aussi des fées qui incitent à sourire et à tenir bon malgré les épreuves
Clément se charge de présenter le parc autogéré Navarino…
… sous des immeubles aux grands graffitis énigmatiques.
Puis, nous montons dans la colline d’Exarcheia nommée Strefi, au nord-est du quartier. Petit point d’histoire sur l’origine du quartier avec Yannis.
Pour en savoir plus, Maud et Yannis ont écrit un livre à ce sujet : « Exarcheia la noire » aux Éditions Libertaires (textes et photos, 2013).
Au sommet de Strefi, le panorama permet de voir tout autour : la mer, l’Acropole, le Pirée…
Dernier repas partagé avant de se séparer, ce soir. Le beau temps est de retour. À l’horizon, le Parthénon brille sous le soleil.
De retour en bas, les nouvelles sont mauvaises : selon nos camarades grec-ques, il faut qu’on renforce notre sécurité pour aller au Pirée (où les fascistes sont beaucoup mieux implantés).
Yannis avait déjà prévu, depuis hier, un dispositif avec Rouvikonas. Trois ou quatre membres du célèbre groupe qui connaissent parfaitement Aube Dorée vont nous accompagner ce soir. Leur objectif : repérer à l’avant du convoi tout piège éventuel.
Sam ne sera malheureusement pas du voyage, mais son expérience de plusieurs convois nous est précieuse.
Anne, notre infirmière marseillaise sera, elle, du voyage en Crète.
Mais pas notre médecin rebelle, Dominique, qui va malheureusement devoir prendre le chemin du retour vers l’hexagone.
Comme à chaque réunion, on reprend le trombinoscope pour enregistrer des numéros et rester en contact.
Allez, une dernière photo de groupe, même si nos camarades belges sont absents. On les retrouvera tout à l’heure, au point de rendez-vous pour le départ.
Rue Notara, c’est l’attente.
Dans cette rue où nous sommes arrivé-es, il y a quelques jours, le plus gros du convoi va quitter l’autre partie pour rejoindre sa prochaine destination, la plus grande île de Grèce où d’autres luttes nous attendent : la Crète.
Ce n’est qu’un au revoir entre Mimi, Maud et Yannis qui reviendront à Exarcheia bientôt.
On gare les fourgons prêts à partir. On boit un dernier café tous ensemble.
Surprise ! Leila, qui reste ici, est devenue son clown prénommé Poisson !
Idem pour Sam !
Dimitris se prête au jeu et commence une série de sketchs improvisés.
C’est l’heure de se faire une dernière bise. Rico, lui, va venir renforcer la petite ZAD contre le projet d’aéroport de Kastelli en Crète.
Salut Claire ! Bon retour à Liège !
Marie-Laure et Jean-Luc (à droite) ne vont pas seulement en Crète, mais ensuite également à Thessalonique pour livrer un fourgon entier à l’espace social libre Mikropolis, avant de repartir par le Nord. Il transmettront aussi notre soutien financier à ce lieu et à la structure autogérée de soutien aux réfugié-es/migrant-es sur place.
Nous soutiendrons aussi l’usine autogérée Bio.Me de Thessalonique dans les semaines à venir, ainsi que d’autres lieux à l’extérieur d’Athènes, comme l’espace social libre Favela au Pirée qui a récemment subi plusieurs attaques nazies.
Marietta passe aussi nous faire la bise, croquée par Skippy.
Dur, dur, de se séparer !
Daouda reçoit les derniers conseils de Fifi (qui porte déjà son tee-shirt crétois contre l’aéroport).
Ça y est ! Les camarades de Rouvikonas arrivent ! Finalement, comme venait de l’annoncer Yannis, ils sont beaucoup plus nombreux que prévu ce midi. Cela, en raison des nouveaux éléments remarqués ces dernières heures, notamment par Mimi qui a conseillé de transformer le groupe de repérage en escorte pure et simple.
Nos camarades sont une vingtaine à nous accompagner, en voiture et surtout en motos.
Les 16 fourgons en route pour Le Pirée se regroupent rapidement sur le bord d’une avenue, avant de descendre en convoi sans jamais s’arrêter aux feux rouges.
En effet, nos camarades de Rouvikonas se méfient d’une attaque fasciste sur un arrêt de la circulation, ce qui immobiliserait et diviserait le convoi, le rendant dès lors très vulnérable.
Ils choisissent donc de bloquer toutes les routes perpendiculaires à notre parcours.
Sur plus de dix kilomètres, en pleine capitale grecque, les motards anarchistes de Rouvikonas vont agir de la même manière que des motards de police pour un trajet de chef d’État !
Nous descendons à toute allure les avenues vers Le Pirée, puis entrons dans la ville porturaire sans jamais nous arrêter.
Rues après rues, notre escorte anarchiste parvient à tout bloquer et à faire passer simultanément les 16 fourgons d’une seule traite.
Beaucoup des membres du convoi sont impressionné-es par l’audace et l’efficacité de nos camarades grec-ques !
Arrivé-es à bon port à une vitesse record, grâce au plan de Giorgos et de ses compagnons de luttes, on trinque en partageant les dernières bouteilles de vin à côté du bateau.
Un camarade précise, en souriant :
— Même s’ils l’avaient sérieusement projeté, ce qu’on ne saura jamais, nous stopper de la sorte était quasiment impossible pour les fascistes ! S’ils étaient quelque part sur le bord de la route, ils doivent y être encore, en train de s’engueuler ou de boire des chopes pour se consoler
Aussitôt, on prévient les autres membres du convoi resté-es à Exarcheia de notre arrivée sans embûche, ainsi que Mimi, Daouda et quelques autres…
Il est l’heure d’embarquer sur le bateau. Demain à l’aube, nous arriverons en Crète pour rejoindre une autre lutte importante à nos yeux. Une lutte qui nous rappelle celle de Notre-Dame-des-Landes, de Sivens et bien d’autres en France et ailleurs.
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui. On se retrouve demain pour l’avant-dernier épisode : le neuvième de notre petit feuilleton
Encore merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la préparation de ce convoi, d’une façon ou d’une autre. Et à demain pour la suite !
Épisodes précédents :
1 – DE MARTIGUES À ANCONA
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2 – DU FERRY À ATHÈNES
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3 – L’ARRIVÉE À EXARCHEIA
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4 – ROUVIKONAS, LES DISPENSAIRES ET L’AG DU NOTARA
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5 – AVEC LA CUISINE SOCIALE DANS LA RUE
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6 – AVEC LES EXILÉ-ES ET LES ANTIFASCISTES
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7 – EXARCHEIA FAIT L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE
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Demain :
9 – LA ZAD RENAÎT À KASTELLI
Après-demain, pour finir :
10 – LA LUTTE S’ÉTEND CONTRE L’AÉROPORT
Faites passer ! Transmettez au moins la nouvelle à toutes celles et ceux qui ont participé ! 🖤❤️