Sixième épisode : avec les exilé-es et les antifascistes

Retour en photos sur le Convoi solidaire vers la Grèce de février-mars 2019 (suite)

SIXIÈME ÉPISODE : AVEC LES EXILÉ-ES ET LES ANTIFASCISTES 🖤❤️

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Si vous avez raté les cinq premiers épisodes

1 – DE MARTIGUES À ANCONA
blogyy.net/2019/03/24/retour-en-photo-sur-le-convoi-solidaire-vers-la-grece-de-fevrier-mars-2019
2 – DU FERRY À ATHÈNES
http://blogyy.net/2019/03/26/retour-en-photos-sur-le-convoi-solidaire-vers-la-grece-de-fevrier-mars-2019-suite/
3 – L’ARRIVÉE À EXARCHEIA
http://blogyy.net/2019/03/26/troisieme-episode-larrivee-a-exarcheia/
4 – ROUVIKONAS, LES DISPENSAIRES ET L’AG DU NOTARA
http://blogyy.net/2019/03/27/quatrieme-episode-rouvikonas-les-dispensaires-et-lag-du-notara/
5 – AVEC LA CUISINE SOCIALE DANS LA RUE
http://blogyy.net/2019/03/28/cinquieme-episode-avec-la-cuisine-sociale-dans-la-rue/

À suivre dans les prochains jours :
7 – EXARCHEIA FAIT L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE
8 – DÉPART EN CRÈTE SOUS HAUTE TENSION
9 – LA ZAD RENAÎT À KASTELLI
10 – LA LUTTE S’ÉTEND CONTRE L’AÉROPORT

Présentation :
Ce convoi fut non seulement le plus grand, mais sans doute le plus réussi de ces dernières années, aux côtés des principaux collectifs de lutte et de solidarité en Grèce. Une action qui a réuni des compagnons et camarades au départ de la France, de la Suisse, du Québec et de la Belgique pour se rejoindre en secret à Martigues afin d’y former un convoi de 26 fourgons et 65 conducteurs, avant de reprendre la route vers l’Italie puis la Grèce.

 

Aujourd’hui, c’est la fête des enfants au squat Notara 26 ! Les petits bouts de choux du squat voisin, Spirou Trikoupi 17, sont là eux aussi. Tout le monde attend les fourgons spécialisés en jouets, vélos et friandises.

Tout à coup, un premier fourgon arrive devant l’entrée dans l’excitation des enfants qui se passent le mot :
— Ça y est ! Ça va commencer !

 

A l’intérieur, les enfants sauvés des eaux déboulent dans l’escalier ! Sur les murs, de nombreux dessins appellent à la solidarité, au respect, à l’accueil des nouveaux au fil des années.

Plusieurs de ces enfants ont perdu un proche durant la traversée de la mer Égée, avant d’arriver à Lesbos ou à Chios, dénués de tout. D’autres connaissent quelqu’un qui a été agressé par les néo-nazis, sitôt arrivé à Athènes, même des enfants.

Pour eux, Exarcheia est un refuge, à l’abri des violences de l’État, de sa police et des milices fascistes. Chaque squat de réfugié-es/migrant-es est une grande famille métissée aux origines très diverses dont font également parti les solidaires grec-ques, mais aussi, au fil des années, les membres du convoi qui sont revenus plusieurs fois et que tout le monde connait bien.

Surprise : les enfants n’arrivent pas les mains vides !

 

Les enfants nous ont préparé une surprise : une petite rose pour chaque membre du convoi qui se retrouve accrochée au revers de nos vestes ! Mimi et les autres solidaires nous serrent dans les bras. Les parents viennent nous saluer. On s’assoie pour boire ensemble le thé noir de la fraternité et on déballe quelques biscuits. Il est cinq heures, les plus petits s’éveillent de la sieste et nous rejoignent.

 

S’il y en a un qui a bien mérité sa rose, c’est bien Christian ! Les enfants du Notara adorent ses chansons, et pas seulement celle qu’il leur a consacré (Que sera demain ?). Et puis, ils savent également que Christian a osé traverser la frontière sans papier pour venir jusqu’à eux, un point commun parmi d’autres

Comme la plupart des membres du convoi, Christian donne beaucoup de son temps dans les luttes dans sa région de provenance, notamment pour accueillir et défendre les exilé-es. Nous ne sommes vraiment pas des touristes venus mater et jouer les Pères Noël. Notre participation au convoi est un prolongement de ce que ce nous faisons le reste de l’année, en parfaite cohérence. Le convoi n’est pas un projet humanitaire, mais une action solidaire de mouvement social à mouvement social, un action d’entraide parmi celles et ceux qui luttent, une action de synergie parmi les opprimé-es qui se rencontrent à cette occasion et qui échangent sur leurs pratiques et leur profond désir d’émancipation sociale.

D’un bout à l’autre de l’Europe et du monde, nous sommes beaucoup plus nombreux à vouloir changer la société que ce qu’essaient de faire croire les médias du pouvoir. Et nous n’avons pas dit notre dernier mot !

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Pendant qu’on commence à rentrer les jouets et les vélos dans une pièce attenante, d’autres se lancent dans le tri des pois chiches livrés il y a trois jours.

 

Ces pois chiches ont été offerts par Clem (deuxième en partant de la droite) et sa famille qui sont paysans dans le Lot. Plusieurs gros sacs de pois chiches bio doivent être séparés des petites pierres microscopiques qui trainent encore à l’intérieur. Il faut avoir de bons yeux !

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Les mains qui se joignent autour des tables viennent du monde entier : Grèce, Kurdistan, Belgique, Albanie, Afghanistan, Québec, Iran, Suisse, Syrie, France, Côte-d’Ivoire…

 

À la demande des enfants, Christian et Marco sortent leurs guitares et se mettent à chanter…

 

Aussitôt, un attroupement se forment autour d’eux pour danser et chanter en chœur ! La fête commence !

 

Les jouets sont de sortie ! On en teste pleins et on en monte jusqu’à trois chacun dans sa chambre ! Il y a aussi des jouets commun dans la salle de jeux : gros jouets, cabanes, jeux de société…

 

Le chouchou de Sarah fait envie :
— Tiens, prends-le  

 

Dans la salle attenante, les enfants des deux squats passent, les uns après les autres, pour essayer les vélos et en choisir un chacun. Des adultes aussi en prennent pour circuler plus librement dans Athènes et éviter les contrôles dans les transports en commun.

Fifi règle la selle :
— Tu vois, quand tu grandiras, tu n’auras qu’à faire ça pour être à la bonne hauteur

 

Thomas explique très justement que nous ne sommes que des messagers. Les messagers du mouvement social en France, Belgique, Québec et Suisse.

Ce n’est pas nous qui avons acheté ces vélos, qui d’ailleurs ne sont pas tout neuf. Par contre, nous avons fait un long travail d’information et de collecte, pendant des mois, puis nous avons pris en charge nous-mêmes les frais de notre voyage pour venir apporter le fruit de cette collecte.

Ce cadeau, il est donc de la part de toutes celles et ceux qui luttent à l’autre bout de l’Europe et qui ne sont pas d’accord avec ce qui vous arrive, pas d’accord avec la façon dont vous êtes traités par l’État grec et l’Europe forteresse.

Ce cadeau est un cadeau collectif pour vous dire qu’on vous aime, qu’on vous soutient et qu’on a les mêmes ennemis : le pouvoir, ses valets et ses alliés fascistes.

 

Les vélos commencent leur nouvelle carrière dans les mains des enfants. Des ballades collectives seront organisées.

 

« QUE SERA DEMAIN ?

À toi, l’enfant sauvé des eaux
Ou né ici, dans le ruisseau,
Parmi les humains monnayés,
Sur une planète abimée.

Le vieux monde craque de tous côtés.
Tout ce qui est vivant est en danger.
L’idéologie du pillage
Nous a conduit à ce naufrage.

Mais les rebelles s’entraident pour
Des utopies qui voient le jour !
Quelles couleurs pousseront demain ?
Ça dépend de toi, de chacun !

Que sera demain ? Que sera demain ?
Que sera demain ?

Je te souhaite de vivre longtemps,
De t’épanouir harmonieusement,
De mettre en commun tes talents.
Libres, entre égaux, naturellement !

Et des sourires en arc-en-ciel !
Et des baisers au goût de miel !
Sans haine, sans peur, ni dieu ni maître !
Je te souhaite simplement d’être.

Que sera demain ? Que sera demain ?
Que sera demain ? »

Paroles : Christian Leduc et Yannis Youlountas
Musique : Christian Leduc
Chœurs : Julie Prat
Violon : Solène Pougnet
Violon alto : Patrick « Lo Gat » Faure
Enregistrement : Studio 33 Tour
Mixage : Marc Simon

Chanson du film L’Amour et la Révolution :

(de la 26ème minute à la 29ème)

 

La nuit tombe. Il est temps que les enfants du squat voisin aillent ranger leurs vélos…

 

17, rue Spirou Trikoupi.

En Grèce, beaucoup de squats de réfugié-es/migrant-es portent tout simplement le nom de leur adresse : rue + numéro.

Un second rendez-vous nous attend ce soir, avec le groupe antifasciste Distomo, dans le quartier d’Agios Pantelemonas.

 

Très réputé en Grèce, ce groupe antifa a un petit local au milieu du quartier qu’il est parvenu à arracher à Aube Dorée, depuis trois ans.

 

Nous sommes invité-es à une petite fête en présence de la plupart des membres du groupe, mais aussi de riverains.

Après avoir livré un peu de matériel (appareils photos, ordis, frigo pour le local et d’autres petites choses) et avoir transmis collectivement un soutien financier, les membres du convoi discutent sur la place avec les membres de Distomo.

Parmi nous des membres de la GALE (Groupe Antifasciste Lyon et Environs) et d’autres collectifs antifascistes en France et en Belgique racontent, eux aussi, leurs luttes similaires pour reprendre des quartiers aux fachos, surtout à Lyon : le quartier St-Jean.

Distomo est le nom d’un village grec anéanti par les nazis durant la deuxième guerre mondiale. Une brève présentation du groupe antifasciste Distomo se trouve dans L’Amour et la Révolution, de la 41ème à la 44ème minute :

 

À l’origine de Distomo, plusieurs collectifs d’Exarcheia se sont unis pour intervenir dans ce quartier voisin, alors tenu par les fascistes.

À l’époque, les 9 principaux lieux autogérés d’Exarcheia avaient décidé d’envoyer chacun 5 de leurs membres (bien équipé-es) sur place. Ces 45 antifas en perpétuelle rotation étaient ainsi un groupe suffisant pour commencer à créer et à tenir solidement un premier lieu dans le quartier fasciste, puis un second, avant de faire fuir Aube Dorée.

Trois ans après cette démonstration de force des antifascistes au centre d’Athènes, d’autres régions de Grèce ont également réussi à faire fermer les locaux d’Aube Dorée.

Par exemple, le parti néo-nazi n’a plus aucun local en Crète depuis un an et a été ridiculisé sur l’île :
http://lahorde.samizdat.net/2018/05/15/grece-aube-doree-chassee-de-crete/

La lutte antifasciste est également très présente dans le foot en Grèce, et dans d’autres sports populaires gangrénés par le nationalisme, le racisme et l’antisémitisme.

Peu après notre passage à Agios Pantelemonas, c’est sur cette place qu’a été organisé par Distomo le 4ème tournoi de l’Antifa League athénienne.

Un tournoi de street football pour les petits et les grands, sans égo ni vainqueur, juste pour le plaisir de taquiner le ballon et de passer un bon moment ensemble.

Foot de rue vs foot de fric !

Buvette, documentation, petite restauration à prix libre : l’occasion de mieux faire connaitre le groupe et son action aux gens du quartier qui viennent regarder ou participer.

 

Tractage avant et pendant le tournoi.

« LA BALLE DANS LA RUE
ET LES FASCISTES
DANS LEUR TROU ! »

La journée se termine avec une distribution de jouets aux enfants du quartier par le groupe Distomo.

En fait, ces jouets proviennent également du convoi, mais nous avons demandé à nos camarades de Distomo de ne pas nous citer.

En effet, le but de notre action est de soutenir le mouvement social et révolutionnaire qui résiste et s’organise dans l’autogestion et la solidarité. Et si nous dévoilons ici la réalité des choses, dans cette publication, c’est parce que ce compte-rendu est destiné à celles et ceux qui soutiennent nos convois.

Les enfants et les parents (grecs et migrants) qui ont reçu ces jouets de nos camarades de Distomo ont ainsi mieux compris ce qui signifie le mot antifasciste.

Un antifasciste n’est pas seulement quelqu’un qui lutte contre le fascisme, mais aussi quelqu’un qui veut changer la société, qui n’attend pas pour faire avancer ses idées de liberté et d’égalité, qui agit concrètement en lançant ou en soutenant des actions solidaires autogérées à l’écart des pouvoirs politiques et économiques hypocrites qui nous jettent quelques miettes tout en volant nos vies.

Un parfait exemple de cet antifascisme au quotidien est notre camarade Pavlos Fyssas (alias Killah P) assassiné par Aube Dorée le 18 septembre 2013. Pavlos ne luttait pas seulement contre les ratonnades et les autres violences commises par les néo-nazis. Il était à l’initiative de nombreuses actions solidaires et vivait pleinement aux côtés des opprimé-es dans le quartier de Keratsini, près du Pirée :

Un antifasciste n’est pas quelqu’un d’intrinsèquement haineux ou violent, mais au contraire quelqu’un de solidaire et généreux qui lutte tout simplement contre la haine et la violence des fascistes, et ce, si nécessaire en retournant contre ces derniers leurs armes de prédilection, c’est-à-dire en faisant goûter aux chasseurs de migrant-es leurs manières de traiter les gens.Un antifasciste est quelqu’un qui ne se limite pas à dire « non au racisme », à pétitionner et à liker des publications sur Internet. C’est quelqu’un qui s’engage, qui s’organise, qui joint les paroles aux actes, qui descend dans la rue, qui prend des risques pour défendre les victimes du fascisme, du racisme, du sexisme, de l’homophobie…Un antifasciste est quelqu’un qui s’est informé et formé, qui sait par conséquent qu’il est vain de compter sur l’État pour en finir avec le fascisme puisque, non seulement ce dernier est le joker historique du pouvoir sitôt qu’il n’arrive plus à bercer la population d’illusion, non seulement il sert à diviser pour mieux régner et à détourner la colère vers des bouc-émissaires pour faire oublier les vrais responsables, mais surtout, le fascisme est aussi présent au sein de l’État, dans ses institutions et dans ses pratiques, depuis les violences bureaucratiques qui traitent les personnes comme des numéros jusqu’à l’autoritarisme congénital du pouvoir politique qui prétend être démocratique alors qu’il ne règne que par sa police, son armée et ses moyens médiatiques de manipuler et d’abrutir ses victimes.La lutte antifasciste n’est donc pas seulement une lutte contre l’extrême-droite, mais en réalité contre toutes les formes de domination et d’exploitation, rejoignant en cela l’anarchisme et l’anticapitalisme.L’antifascisme n’est pas tant sur le terrain de l’opinion et de l’utopie, que sur celui de l’action et de la riposte : immédiate, déterminée, sans hésitation ni état d’âmes. Parce que la première façon d’avancer vers un monde plus juste, c’est de se lever et de contrer les pires violences subies.

Heureusement, les enfants du convoi ont vérifié s’il y avait bien toutes les pièces pour éviter une grosse déception arrivé au bout du puzzle !

Des enfants partent immédiatement avec leur cadeau. D’autres restent jouer sur la place.

Aujourd’hui encore, Distomo a consolidé sa présence dans le quartier et prépare déjà d’autres actions. Quelques jours plus tard, le groupe antifasciste lancera une action dans le quartier voisin de Kipseli. Et ce n’est pas fini…

Pas de quartier pour les fascistes, pas de fascistes dans nos quartiers… No Pasaran !
Voilà, c’est fini pour aujourd’hui. On se retrouve demain pour le septième épisode de notre petit feuilleton .On y parlera pédagogie antiautoritaire et émancipation des enfants, aux côtés des écoliers d’Exarcheia.

Encore merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la préparation de ce convoi, d’une façon ou d’une autre. Et à demain pour la suite !
Demain :
7 – EXARCHEIA FAIT L’ÉCOLE BUISSONNIÈREÀ suivre les jours suivants :
8 – DÉPART EN CRÈTE SOUS HAUTE TENSION
9 – LA ZAD RENAÎT À KASTELLI
10 – LA LUTTE S’ÉTEND CONTRE L’AÉROPORT

Faites passer ! Transmettez au moins la nouvelle à toutes celles et ceux qui ont participé ! 🖤❤️

https://www.youtube.com/watch?v=_1DpODQaZxs