Pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes


Il y a deux semaines, durant notre tournée en Lorraine, nous avons décidé de faire une halte dans un cimetière militaire, non loin de Verdun.

PAS DE GUERRE ENTRE LES PEUPLES
PAS DE PAIX ENTRE LES CLASSES

Avec Maud et Achille (9 ans), nous avons fait cette pause dans un cimetière allemand. Pourquoi ? Non pas que les morts d’un côté ou de l’autre aient une différence d’importance, mais tout simplement parce que nous voulions sortir du piège qui consiste à rendre systématiquement hommage à des victimes françaises de la guerre.

Entourés des tombes d’ouvriers et de paysans allemands envoyés au casse-pipe par leurs généraux bourgeois, il a été plus facile d’évoquer la nature même de la guerre entre les peuples conditionnés et maltraités par leurs dirigeants. Il a été plus facile de parler de notre dégoût des mots patrie, pouvoir, armée, police, état et capitalisme. Il a été plus facile de parler de l’absurdité de ce monde qui s’autodétruit chaque jour au service d’égoïstes qui ne regardent que leur intérêt à court terme.

En marchant parmi les tombes, Achille a demandé à Maud :
– Mais quand les gens refusaient d’aller à la guerre, qu’est-ce qui se passait ?
– La police ou la gendarmerie allait les chercher chez eux ou dans leur cachette.
– Et ensuite ?
– Ils étaient parfois fusillés.

Choqué, Achille a tourné le regard vers les tombes de ces gens qu’il appelait aussi des « papas », bien que tous ne l’étaient pas. Un long silence s’en est suivi. Plusieurs minutes. Puis il s’est retourné vers nous et il a dit :
– Vraiment, policier ou gendarme, c’est un métier encore pire que ce que je pensais.

Ensuite, durant le parcours en voiture qui nous emmenait jusqu’à la projection suivante, on a non seulement reparlé de la traque des migrants et du harcèlement des pauvres, mais aussi de la rafle du Vel d’Hiv en se promettant qu’un jour, tous les trois, on irait étudier ça de plus près.

Toujours plus de bonnes raisons de vouloir vivre libre et de lutter pour cela.

Yannis Youlountas