« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis »
Il y a exactement 70 ans, paraissait le roman posthume de St-Exupéry, Citadelle, avec cette phrase devenue célèbre :
« SI TU DIFFÈRES DE MOI, MON FRÈRE, LOIN DE ME LÉSER, TU M’ENRICHIS »
France 2018. La chasse aux pauvres et aux sans-papiers s’amplifie. Le gouvernement est fier de présenter son nouveau bilan : +20% d’expulsions en un an et toujours plus d’abris détruits, de cabanes saccagées, de bidonvilles rasés, de tentes déchirées, de couvertures arrachées.
Chaque jour, l’hexagone sombre plus encore dans le repli sur soi, la haine viscérale et la peur de l’autre. Les opinions se liquéfient, se putréfient, se nécrosent : fantasmées, conditionnées, confinées dans les limites d’un lotissement paisible, la clôture d’une propriété fleurie, les murs d’une villa confortable et la déco surchargée d’un salon éclairé par les infos télévisées.
Un seul mot d’ordre : défend ta peau, ton assiette, tes coutumes, ton taf, ta famille, ta patrie et, parfois même, la civilisation européenne toute entière qui serait soit-disant menacée de remplacement et d’extinction.
Il faudrait, parait-il, se défendre contre des fantômes, des monstres, des vampires, seul contre tous ou avec ses semblables, écartelé entre le cauchemar d’envahisseurs arrivant de Méditerranée ou des Alpes et le rêve rassurant de l’uniformité, des petites habitudes et de la fière sédentarité.
Dehors, rôdent les pas-de-chez-nous, les terroristes en puissance, les violeurs à ce qu’on raconte, les inséminateurs en puissance de nos matrices autochtones, les voleurs de travail, les profiteurs d’allocations, les mendiants des carrefours, les squatteurs de cabanes en carton sous la bretelle de la grande route… Tous ceux que le pouvoir montre du doigt ; le pouvoir semeur de discorde, le pouvoir qui divise, comme toujours, pour régner.
En apprenant le « nettoyage » d’un camp de rom ou d’un squat de migrants, le quidam se frotte les mains : la France devient propre, jusque dans les centres-villes gentrifiés et les campagnes sans mauvaises herbes ni bêtes sauvages ; un hexagone aseptisé où la vie se meurt, étouffée par le béton, les épandages, la surenchère dans la peur et le repli sur soi.
Hier matin dans le Val de Marne, une pelleteuse sous escorte policière est allée détruire des habitations de fortune à Choisy-le-Roi. 10 cars de CRS avaient été envoyés contre quelques familles apeurées.
À quelques mètres de là, sur le frontispice de la mairie de la ville, les 3 mots « Liberté, Égalité, Fraternité » ont soigneusement été mis en avant. Ça fait joli, ça fait bien et ça ne mange pas de pain. Mieux encore : lors de la dernière campagne municipale, l’équipe en place avait pour slogan : « Choisy passionnément solidaire ».
C’est vrai, quand même : c’est un beau pays la France !
Maud et Yannis
(merci à Jean-Luc Millet pour l’alerte)