Clément Méric à jamais
Les cicatrices de la mémoire.
CLÉMENT MÉRIC À JAMAIS
Le temps s’est arrêté, la semaine dernière à Lyon. Un temps pour penser. Un temps pour chérir. Un temps pour s’unir.
Nous avons rebaptisé la rue Sébastien Gryphe en rue Clément Méric, à la fin de la toute dernière soirée de la tournée Exarcheia, aux côtés de nos camarades de la GALE (Groupe Antifasciste Lyon et Environs) et d’un public aussi nombreux que solidaire.
Dans la tiédeur de la nuit, l’hommage à notre camarade assassiné a été très émouvant, en présence de Mimi, Giorgos et Perseus d’Exarcheia, ainsi que Yannis* d’Héraklion qui venait de nous rejoindre.
On a chanté tous ensemble : en français puis en grec, non sans quelques youyous ! Des « moments inoubliables » m’ont dit mes camarades athéniens !
J’avoue que mon passage à Paris, la veille, au procès des assassins de Clément m’avait rempli de peine, dans une ambiance glacée et pesante. J’avais quitté l’île de la Cité au bout de quelques heures, avec la sensation d’étouffer.
Vivre cet instant solennel le lendemain à Lyon était cathartique, surtout pour celles et ceux qui, comme moi et beaucoup d’autres, gardent le souvenir d’avoir eu à se défendre contre des agressions fascistes, et savent qu’un nouveau guet-apens est dans l’ordre des possibles, alors que même les temps deviennent de plus en plus sombres, dans l’hexagone comme ailleurs.
En rentrant chez notre logeur, ma cervelle gambergeait. Je pensais à mon ami lyonnais encore en attente de jugement alors qu’il est pourtant la victime d’une attaque de 20 nazis contre 5 antifascistes dont lui.
Je pensais à mon ami marseillais poignardé devant chez lui par deux membres bien connus de l’extrême-droite locale que bizarrement la police n’a jamais retrouvé malgré un grand nombre d’indices et de caméras aux alentours.
Je pensais à l’un de mes amis migrants à Athènes portant encore dans sa chair plusieurs cicatrices de cette folie de l’humanité qu’est le le fascisme.
Je pensais à l’assassinat de Pavlos Fyssas par des hommes de main d’Aube dorée en 2013.
Je pensais aux coups de couteaux de plusieurs identitaires lyonnais contre deux adolescents dans le quartier Saint-Jean à Lyon en 2014.
Je pensais à la torture d’un ami Juif par trois antisémites fanatisés par les foutues théories du complot en 2015.
Je pensais à l’incendie criminel du squat Notara 26 où nos enfants réfugiés avaient failli brûler vifs en 2016.
Je pensais à l’assassinat de Heather Heyer par un néonazi à Charlottesville en 2017.
Je pensais également à l’expédition odieuse des identitaires en Méditerranée, une initiative nauséabonde que le pouvoir avait complètement laissé faire et face à laquelle il avait fallu, une fois de plus, agir par nos propres moyens en tant qu’antifascistes…
Je pensais à toutes ces cicatrices qui ne se voient pas, mais qu’on porte en nous, au creux de nos chairs. Ces cicatrices qui nous rappellent un jour, un lieu et un être cher. Ces cicatrices qui nous incitent à rester sur nos gardes face à l’ignominie.
Les cicatrices de la mémoire.
Yannis Youlountas
* A signaler que Yannis d’Héraklion (qui présentait le journal Apatris dans « Je lutte donc je suis ») arrive actuellement pour un an dans le secteur de Le Creusot (pour ses études). Si certain.es parmi vous vivent dans les alentours et peuvent un peu l’aider (par exemple, dans les méandres de la bureaucratie, car il ne parle que l’anglais) ou tout simplement l’accueillir à l’occasion, ce serait formidable. Yannis est à la fois un compagnon de lutte et un ami très cher. Merci pour lui.