Une autre raison de détruire le pouvoir : la course contre la montre technologique

La démocratie directe et l’Anarchie ne sont pas seulement des utopies actuelles, mais surtout cruciales face aux enjeux de l’époque. Voici pourquoi.

UNE AUTRE RAISON DE DÉTRUIRE LE POUVOIR : LA COURSE CONTRE LA MONTRE TECHNOLOGIQUE

80 ans après la révolution anti-autoritaire et libertaire en Espagne, certains profitent évidemment de cet anniversaire pour prétendre que les temps ont changé et que ces utopies ne sont plus d’actualité.

Pourtant, l’abrutissement, l’exploitation et la domination n’ont fait que changer de forme. Il suffit de contempler la brochette de dirigeants planétaires qui mènent actuellement l’assaut contre l’humain, la vie et la Terre, détruisant partout, quotidiennement, des années de rudes conquêtes sociales et transformant en marchandise tout ce qui respire à la surface du globe.

Dans ce monde, en réalité, il n’y a plus d’exil possible. Le léviathan capitaliste et autoritaire règne sur la quasi-totalité des mètres carrés où nous posons nos pas. Au-delà des différences palpables, celles qui poussent à migrer, c’est toujours le même néant qui prétend marcher en avant, mais qui ne fait rien d’autre que nous priver de notre liberté de choisir vraiment notre vie.

Dès qu’un vent nouveau se lève quelque part, dans des villages lointains, dans un quartier du bout de l’Europe ou sur une ZAD voisine, c’est toujours le même refrain, la même réaction, le même empressement de terrasser ce qui gêne, expérimente autre chose et donne à voir une autre façon de vivre et de s’organiser.

Depuis toujours, ce qui menace l’équilibre fragile du pouvoir et son assise symbolique est systématiquement surveillé, discrédité ou combattu. Mais la différence aujourd’hui réside dans les progrès technologiques vertigineux qui, pour l’instant, profitent plus au pouvoir, où qu’il soit, qu’à tous ceux qui tentent diversement de lui résister.

Autrement dit, à nos raisons passées de proposer la démocratie directe et l’Anarchie vient s’ajouter une raison de plus, nouvelle et plus cruciale encore : une indéniable course contre la montre technologique a commencé entre le pouvoir et nous. Dans les temps qui viennent, il sera de plus en plus difficile de lui résister. Un jour, ce sera peut-être impossible. Sa domination sera totale.

Ceci n’est pas l’évocation d’un roman dystopique, mais bien la réalité de demain qui se dessine sous nos yeux. L’époque est fasciste. Fasciste et totalitaire. Parce que le pouvoir se rapproche assidûment de son but de tout contrôler et parce que — nous le savons bien — si un jour il le peut, il ne se gênera pas pour se perpétuer en anéantissant toute voix discordante.

La question politique de la démocratie directe et de l’Anarchie n’est donc plus seulement celle de prendre nos vies en mains. Elle est désormais de sauver la vie elle-même, avant qu’il ne soit trop tard.

Par-delà nos différences, nos manières de nous organiser et de lutter, notre but ultime doit être, plus que jamais, de détruire le pouvoir, tant qu’il est encore temps. Pour y parvenir, reste à nourrir cette transformation de l’imaginaire social par tous les moyens possibles : débats, livres, films, échanges de pratiques, convergences de luttes, solidarité sans frontière, éducation anti-autoritaire, démontage de la fabrique de l’opinion, boycott des médias mainstream, progression des auto-médias, développement de plateformes multilingues de contre-information, entartage de ceux qui prétendent nous gouverner, représailles ciblées contre chaque décision mortifère, sabotage furtif et imprévisible du dispositif de domination, soutien mutuel parmi les diverses formes de résistance, riposte solidaire à chaque coup reçu, extension des champs d’application de la désobéissance, occupations furtives et permanentes, multiplication des zones expérimentales et rebelles, propagation de l’autogestion, généralisation des assemblées, libération des communes et des territoires…
 
Détruire le pouvoir, avant qu’il ne nous détruise.

Yannis Youlountas

(texte libre de droits et d’utilisation, comme toujours)