Vivre les bras ouverts
Nuit blanche sur la mer Adriatique. Le pont du ferry est désert sous les étoiles. Mes compagnons de voyage dorment à poings fermés.
VIVRE LES BRAS OUVERTS
Devant la puissance des vagues dans les lumières du navire, je repense aux drames traversés par les migrants et les réfugiés. Des visages, des cris, des disparitions, des larmes, mais aussi, plus tard, des sourires, des rencontres, des bras ouverts et des paroles d’amour.
Dans quelques heures, je serrerai à nouveau dans mes bras ceux qui ont réussi à atteindre « Exarcheia la solidaire ». J’accepterai le thé noir rituel et, assis parmi eux dans les canapés récupérés, je regarderai dessiner et jouer les enfants sauvés des eaux. Je les écouterai rire à gorges déployées avec les nouveaux jouets donnés de votre part. J’entendrai croustiller les biscuits de Bretagne, de Provence et d’ailleurs, entre leurs petites dents prêtes à mordre la vie. Et puis je lèverai mon poing aux côtés des compagnons qui veillent sur eux, les protègent des rafles policières et des attaques fascistes.
Mais d’autres n’ont pas réussi à échapper à l’horreur des camps de rétention de l’État grec et de l’Union européenne, notamment celui de Moria sur l’île de Lesbos, où un jeune réfugié de 21 ans vient d’être retrouvé mort dans sa tente, hier après-midi, malgré nos alertes répétées depuis des mois.
Les cris et les SOS se succèdent, mais le pouvoir ne veut rien entendre. Un jour, le fracas des vagues se retournera contre lui et le chassera à jamais. Et nous pourrons alors apprendre à vivre les bras ouverts.
Y.Y.
Merci à Maud de notre part à tous pour son immense boulot à distance.
http://blogyy.net/2017/01/