Un parfum d’insurrection anarchiste en Algérie

sarah haidar youlountas

Et si la plus belle des révolutions arabes n’avait pas encore commencé sur la rive sud de la Méditerranée ?

UN PARFUM D’INSURRECTION ANARCHISTE EN ALGÉRIE

C’est le sujet d’un magnifique roman d’anticipation qui s’arrache depuis sa sortie il y a deux mois en Algérie. Cet ouvrage suscite le débat, à la fois de façon formelle à l’occasion des rencontres avec l’auteure, mais aussi dans les profondeurs bouillonnantes d’une population trop longtemps humiliée, colonisée, combattue, trahie, tyrannisée, décimée, manipulée, mais qui semble désormais avoir moins peur, quinze ans après la décennie noire et ses 100 000 victimes en Algérie, ainsi que plusieurs révoltes violemment réprimées en Kabylie.

Ce livre, qui semble exprimer haut et fort ce que beaucoup ressentent tout bas, c’est « La morsure du coquelicot » de Sarah Haidar.

Sarah est une résistante algérienne de 29 ans, journaliste libertaire et auteure enflammée, féministe et hédoniste, anti-intégristes de tous poils, mais respectueuse de la diversité des parcours humains, et surtout révolutionnaire jusqu’au bout des ongles, avec une verve et un courage à tomber à la renverse.

En plus d’être une camarade de lutte, Sarah est devenue une amie, au fil de mes voyages en Algérie*, et m’a sollicité, il y a quelques mois, pour écrire la préface de son livre — qui m’a bouleversé dès ma première lecture du tapuscrit.

Autre signe des temps : malgré le contenu extrêmement subversif de l’ouvrage, toute la presse algérienne ose en parler, le plus souvent avec beaucoup d’intérêt.
Le Quotidien : « La vie, l’amour, la mort, la liberté totale, un véritable orgasme littéraire. »
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5234081
Le Temps : « La liberté aux poings, un hymne à la liberté, à la justice, à la sédition, à l’amour et à la vie. »
http://www.letempsdz.com/index.php/183756-la-morsure-du-coquelicot-de-sarah-haider-la-liberté-aux-poings
El Watan : « De terre et de sang, la lutte d’une milice rebelle contre l’État. »
http://www.elwatan.com/hebdo/arts-et-lettres/de-terre-et-de-sang-01-10-2016-329760_159.php
Le Soir : « Un coquelicot toxique, un hymne à la liberté, à la révolte et à l’insoumission. »
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2016/07/28/article.php?sid=199790&cid=3

Et surtout, sans peur ni retenue, Sarah ose prédire publiquement une insurrection sociale dans le pays, fait aussitôt relaté dans certains médias.
Tarmurt : « Lors d’une conférence sur son livre La morsure du coquelicot, Sarah Haidar prédit une révolte armée en Algérie ! »
http://www.tamurt.info/lors-dune-conference-livre-morsure-coquelicot-sarah-haider-predit-revolte-armee-algerie

Cigarette aux lèvres, parole sans tabou et sourire en coin, Sarah ne craint rien : ni les islamistes, ni l’État. Autrement dit : ni la mort, ni la prison. Quand on évoque les risques, pour toute réponse, elle regarde droit dans les yeux. Sarah sait que la vie ne se mesure pas au nombre d’années, encore moins à l’épaisseur du portefeuille ou à la position sociale. Comme elle l’écrit à la page 126 de son livre : « Ne mourront que ceux qui craignaient la vie. »

Et comme le clamait Lounès Matoub, avant d’être assassiné** : « Ils peuvent me tuer mais ils ne me feront jamais taire. »

Tôt ou tard, la plus grande des révolutions arabes*** sera également la plus belle. Vienne le temps des cerises et des coquelicots.

Yannis Youlountas

Quelques extraits de « La morsure du coquelicot » :

* Où l’accueil de « Ne vivons plus comme des esclaves » avait été formidable :

** Après de nombreuses années de rumeurs contradictoires, on est quasiment certains aujourd’hui que l’assassinat de Lounès Matoub, en 1998 près de Tizi Ouzou, n’a pas été commis par les islamistes du GIA, mais par les militaires.
*** Je reprends cet appellation commune de « révolutions arabes » pour une meilleure compréhension, mais je rappelle que le mot « arabes » ne convenait déjà pas pour les Tunisiens en 2011 et ne conviendrait pas plus pour les Algériens le cas échéant.