Un compagnon de lutte nous a quitté

Une figure de la lutte anticapitaliste et antiproductiviste vient de disparaître, dans un silence assourdissant.

MIRKO LOCATELLI S’EST DONNÉ LA MORT À L’ÂGE DE 35 ANS

Mirko avait co-fondé le ROC (Réseau Objection de Croissance, en Suisse romande) en 2008, puis le journal « Moins ! » (journal romand d’écologie politique) en 2012, dont il était l’un des rédacteurs, particulièrement passionnant. Il m’avait envoyé un grand nombre d’anciens numéros dans lesquels j’avais remarqué l’absence de sectarisme, la finesse des idées, la vigilance contre l’extrême-droite et ses complices, le refus des formes réactionnaires de la décroissance et un positionnement clairement anticapitaliste et parfois libertaire.

Quelques paroles de Mirko ou reprises par lui :
– « Je vis simplement pour que d’autres simplement vivent » ;
– « La première décroissance doit être celle des inégalités » ;
– « Je suis anticapitaliste et antiproductiviste, l’un sans l’autre me semble être une erreur » ;
– « La croissance et le discours publicitaire créent des individus dépendants du toujours plus, sans que ne soit jamais débattue la question du bonheur » ;
– « Je ne suis pas passéiste » ;
– « Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner » ;
– « Je porte un projet politique et de société, en aucun cas je n’ai vocation à être exemplaire, je déteste les discours moralisateurs : on peut être objecteur de croissance sans casser les pieds à tout le monde. »

Fils d’un ancien cheminot et d’une aide à domicile, Mirko avait travaillé dans un centre d’hébergement pour sans-abris de Lausanne (emploi à mi-temps), puis éducateur pour enfants en difficulté à Fribourg. Il militait (bénévolement) pour la défense des sans-papiers et était devenu, parmi d’autres engagements, secrétaire d’Attac Suisse. Il écrivait sans copyright et créait diversement pour le bien commun (militant anti-télé, il projetait de transformer des vieilles télés, comme certain-e-s d’entre nous en Grèce).

Il y a quelques jours, le suicide d’une personne très proche l’a profondément bouleversé. Le lecteur d’André Gorz qu’il était a finalement fait de même.

Il était aussi papa et nos pensées vont à sa famille, ses proches et ses ami-e-s.

Je suis d’autant plus marqué par sa disparition que nous devions nous revoir dans quelques jours, durant ma seconde tournée en Suisse qu’il venait de finir d’organiser avec d’autres ami-e-s pour la fin du mois. Il devait auparavant co-animer un débat à ma place lors d’une projection le 22 mars à Fribourg où je ne pouvais être présent, avant que je le rejoigne du 27 au 30 mars pour d’autres projections-débats sur Genève, Lausanne, Vevey et Neuchâtel, avec son collectif et d’autres partenaires. C’était un grand ami de l’artiviste Alessandro Di Giuseppe (PAP40, déboulonneur, chanteur…) à qui je viens d’apprendre la terrible nouvelle.

La lutte continue sans Mirko. La tournée en Suisse qu’il avait préparé lui sera entièrement dédiée et, à chaque étape, un texte sera lu à sa mémoire par l’un d’entre nous. Nous ne l’oublierons pas. Merci à lui pour tout ce qu’il nous a donné à comprendre, à défendre et à aimer.

Yannis Youlountas

Images : un portrait de mirko, une couverture du journal « Moins ! » qu’il avait co-fondé, l’affiche de l’un des derniers débats qu’il avait animé, l’affiche de la projection de Fribourg qu’il devait animer sans moi, l’affiche de notre tournée en Suisse romande que nous devions animer ensemble avec d’autres partenaires.