Jeudi 2 juillet 2015, à 11h30. Le calme avant la tempête. En réalité, la pression est maximale à Athènes, avec un nouvel acteur aussi important que discret.
DESSOUS DES CARTES : LA DIPLOMATIE AMÉRICAINE FAIT DU RISQUE DE GREXIT UNE AFFAIRE GÉOPOLITIQUE ET VISE, AVEC LA TROÏKA, UNE TRAHISON POST-RÉFÉRENDUM DU GOUVERNEMENT GREC.
Hier après-midi, tout le monde s’est à nouveau agité autour du gouvernement, du parlement et de la chaîne de télé ERT. Il est vrai que tout laissait croire dans les médias grecs privés et internationaux, depuis le matin, à une capitulation imminente du gouvernement Tsipras (en faisant circuler massivement l’ultime proposition de mardi, alors qu’elle était inacceptable pour les créanciers et purement tactique) et à un retrait définitif du référendum. C’est pourquoi, quand le premier ministre a annoncé qu’il allait faire une allocution sur ERT, alors même que l’Eurogroupe se réunissait simultanément par téléconférence, un vent de panique a soufflé sur Athènes.
Un trouble si fort que de nombreuses personnes se sont inquiétées, y compris dans l’entourage du gouvernement et parmi les députés. A Athènes, les bruits de couloirs sonnent parfois comme des alertes à la bombe, ces jours-ci. Car les mails, forums et téléphones chauffent aussi et surtout pour RAPPELER LA PRESSION POPULAIRE ET POLITIQUE, comme nous avions parfaitement réussi à le faire la semaine dernière, mardi et mercredi, notamment avec l’appel très entendu de Stathis Kouvelakis depuis Londres (Londres !) par écrit et, simultanément, dans une vidéo tournée en grec et en français, et transmise à l’Humanité et aux médias grecs.
http://www.humanite.fr/videos/s-kouvelakis-les-peuples-europeens-doivent-sunir-pour-gagner-la-bataille-contre-lausterite
Hier après-midi, plusieurs députés étaient prêts, si nécessaire, à se manifester, de même que Stathis qui rentrait d’une rencontre avec des cheminots très préoccupés. Des camarades syndicalistes étaient également très remontés suite à la NOUVELLE TRAHISON DE LA GSEE, syndicat principal du secteur privé au positionnement similaire à la CFDT, qui venait d’appeler le gouvernement à annuler le référendum. Du côté d’Exarcheia, des compagnons anarchistes et antiautoritaires me disaient envisager une nouvelle occupation des locaux de la GSEE, façon Xavier Mathieu et Continental, bien sûr ! Bref, tout le monde était à nouveau en ordre de lutte, ici et là, pour ne pas céder le terrain gagné il y a huit jours face aux lobbies financiers, aux manœuvres diplomatiques et à la désinformation qui fait rage en Grèce comme ailleurs. Et puis, osons le dire, pour dissuader également les tentations manifestes de certains conseillers dans l’entourage du premier ministre, qui ne sont pas tous des partisans de l’audace, loin de là. Certains noms ne sont pas des plus rassurants en la matière, même si, heureusement, il y en a d’autres, beaucoup d’autres.A l’heure qu’il est, certains craignent encore une « reculade », mais, cette fois, plutôt après le référendum. Pourquoi ?Parce que la troïka a changé de stratégie. A l’initiative d’Angela Merkel, les négociations sont reportées après le référendum. Et le but est tristement connu des Français : la troïka cherche désormais à OBTENIR LA TRAHISON POST-RÉFÉRENDUM DU GOUVERNEMENT GREC et, par conséquent, son discrédit total, ainsi que celui du mouvement politique qu’il incarne en Europe. Rien de moins.Alors que les relations sont rompues jusqu’à lundi, qui travaille dans l’ombre à Athènes, depuis le début de la semaine ?
C’est là, l’élément le plus important de la séquence actuelle : la diplomatie américaine s’inquiète, de plus en plus, de voir la Grèce se rapprocher des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et de certains pays qu’elle n’apprécie pas du tout en Amérique Latine et, bien sûr, au Moyen Orient. Autrement dit, la tension monte, non plus seulement sur le plan politique et financier, mais aussi sur le plan géopolitique maintenant. Beaucoup plus que la semaine dernière.
ON CONNAIT LA TRISTE RÉPUTATION DE LA DIPLOMATIE AMÉRICAINE À ATHÈNES ET LE RÔLE HISTORIQUE DE SES SERVICES SECRETS :
4 – Dictature des colonels (1967-1974)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dictature_des_colonels
Des images célèbres de la dictature et de la résistance de l’Ecole Polytechnique à Exarcheia (avec la version originale d’une chanson de Yannis Aggelakas, reprise par Pavlos Fyssas, avant son assassinat) :
https://www.youtube.com/watch?v=oCnRjyRptm4
Sans oublier le rôle antérieur, déjà autoritaire et désastreux, des grandes capitales européennes qui ont imposé une autre forme de dictature après l’indépendance grecque, notamment avec le bavarois Othon (1832-1862) durant ce qu’on a appelé la Xenocratie ou Bavarocratie.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Othon_Ier_de_Grèce
Alexis Tsipras déclarait lundi, durant un long entretien sur ERT : « Nous avons une arme entre nos mains : le fait d’avoir raison. Si nous arrivons à vaincre nos peurs, nous n’avons rien à craindre. La démocratie va gagner. Le peuple a le pouvoir entre ses mains. Il décidera NON à la soumission, au chômage et à l’exil de nos jeunes. (…) Les autres peuples d’Europe sont solidaires avec nous et manifestent avec des drapeaux grecs (…) de Madrid à Paris. »
https://www.youtube.com/watch?v=YqaCBCYdYHc
Mais, depuis lundi, une autre forme de pression monte. Une pression qui menace l’après référendum. LA PIRE MENACE QUI SOIT. Celle de ne pas tenir réellement compte de ce qui aura été exprimé par la population ce dimanche, comme en 2005 en France, et d’oublier dans un tiroir du ministère des finances tout le travail de la commission pour l’audit de la dette, effectué par Eric Toussaint et le CADTM.
https://www.youtube.com/watch?v=WEHHU65xzKk
Voilà le nouveau scénario que viennent d’écrire la troïka et la diplomatie américaine. Un scénario contre lequel le mouvement social dans sa diversité et l’aile gauche de Syriza s’apprêtent à lutter. Un scénario qu’on espère voir démenti dès dimanche soir par Alexis Tsipras, après l’annonce du résultat du référendum (fermeture des bureaux de vote, ce dimanche à 19h, c’est-à-dire 18h en France). UN RÉSULTAT QUI SERA TRÈS PROBABLEMENT OXI (NON), MAIS QUI NE SUFFIRA PAS. Il faudra encore continuer à lutter, bec et ongles. Encore se faire entendre partout. Encore manifester, sans fléchir ni faiblir, pour pousser, tous ensemble et de toutes nos forces, ces tyrans d’un autre âge vers les oubliettes de l’Histoire. Maintenir la pression, jour après jour, sans jamais baisser les bras, pour refuser la fatalité et avancer vers l’utopie.Yannis Youlountas
Photo : David Pearce, l’ambassadeur des Etats-Unis à Athènes, manifestant déjà son « inquiétude » ce lundi à Nikos Kotzias, le ministre grec des affaires étrangères.