Un parfum de 17 novembre 1973 sur la Grèce

Ce jour-là, il y a bientôt un demi siècle, la foule avait dit stop à la junte des colonels et à ses violences, ses tortures, ses assassinats. Rassemblée durant plusieurs jours autour de l’École polytechnique d’Athènes, dans le quartier d’Exarcheia, elle fut finalement écrasée dans un bain de sang, sous une répression toujours plus violente. Mais le régime allait finir par tomber.

Un parfum de cette époque traverse les rues des grandes villes de Grèce ces jours-ci, comme en témoigne mon vieil ami Lefteris, un ancien de l’insurrection contre les colonels :

« Ça a commencé comme ça, les gens n’en pouvaient plus de la répression, ils ne se laissaient plus faire, ils ne voulaient plus du régime ni de sa police. Ce fut très fort, en quelques jours seulement. Nous avons vécu de grands moments. Mais le pouvoir a rapidement pris le dessus en utilisant sa force démesurée associée à une propagande grotesque. J’ai l’impression de revivre un peu ces moments, toute proportion gardée. »

Aujourd’hui, les médias du pouvoir, qui appartiennent tous aux amis de Mitsotakis, ne parlent que du policier voltigeur grièvement blessé hier soir à Nea Smyrni, en banlieue sud d’Athènes, et des arrestations d’une vingtaine d’anarchistes et autres révolutionnaires, pour moitié des mineurs. Ils ne disent rien des dizaines de blessés parmi les manifestants (pas encore de mort, mais vu la situation, ça ne saurait tarder), de la censure délirante en Grèce (télévision, réseaux sociaux, etc.), des menaces fréquentes des policiers braquant leur flingue vers les manifestants (cf. photo), des appels à torturer et à tuer parmi les policiers (comme le chef de la compagnie Drasi n°36, hier, filmé en train d’inviter ses subordonnés à tuer des manifestants si nécessaire).

Autre point commun : la nuit dans les rues de la capitale, la police tourne et monte dans les immeubles, tape aux portes, recherche des gens, tente d’intimider, hurle et casse (nombreuses vidéos virales). Un air de dictature, en Europe, en 2021.

La haine monte de toutes parts. Ce soir, un policier voltigeur vient d’être attaqué, cette fois à Patras, au lendemain d’autres policiers blessés dont un grièvement dans la capitale. Et ça recommence : les médias ne parlent que de ça et pas du tout du reste.

Pendant ce temps, Dimitris Koufontinas en est à son 61ème jour de grève de la faim, à l’hôpital général de Lamia. Katerina Douzepi, l’un de ses deux médecins personnels, a finalement pu lui rendre visite et nous a fait savoir que le prisonnier est décidé à continuer, malgré l’échec des recours successifs. Très affaibli, Dimitris Koufontinas lui a dit :

« Je continue ma grève de la faim jusqu’à la justice. »

Alors que les médecins s’inquiètent de son épuisement, le Conseil d’État a rejeté aujourd’hui l’examen de son transfert à la prison de haute-sécurité de Domokos (demande d’ordonnance temporaire pour geler la décision de transfert). Il s’avère de plus en plus que cette décision est purement politique, prise en haut-lieu, et rien d’autre. Le gouvernement s’acharne sur le prisonnier pour le pousser à bout, privé de la possibilité de retourner voir son fils, alors qu’il est en prison depuis 19 ans après s’est livré lui-même à la police.

Comble de l’ironie, malgré la situation du prisonnier et l’affaire d’État qu’est devenue ce sujet, la Cour de Cassation prétend ne pas pouvoir examiner sa demande avant le 2 avril, c’est-à-dire dans 3 semaines ! Le pouvoir, même séparé, reste le pouvoir.

Une fois de plus, la Grèce montre ce qui se prépare en Europe : un régime toujours plus autoritaire, avec une police zélée et des contrôles tous azimuts, jusque dans notre intimité. Si ce n’est pas la société que vous désirez, alors il est encore temps d’agir. Vite.

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