Retour en photos sur le convoi solidaire vers la Grèce de février-mars 2019


À l’attention de tous nos soutiens, quelle que soit la forme :
retour en photos sur le

CONVOI SOLIDAIRE VERS LA GRÈCE
DE FÉVRIER-MARS 2019 🖤❤️

Le plus grand et sans doute le plus réussi de ces dernières années aux côtés des principaux collectifs de lutte et de solidarité en Grèce.

Une action qui a réuni des compagnons et camarades parti-es de France, de Suisse, du Québec et de Belgique pour se rejoindre en secret à Martigues afin d’y former un convoi de 26 fourgons et 65 conducteurs, avant de reprendre la route vers l’Italie puis la Grèce.

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Aujourd’hui :
1er épisode (sur 10) – DE MARTIGUES À ANCONA

À suivre dans les prochains jours :
2 – DU FERRY À ATHÈNES
3 – L’ARRIVÉE À EXARCHEIA
4 – ROUVIKONAS, LES DISPENSAIRES ET L’AG DU NOTARA
5 – AVEC LA CUISINE SOCIALE DANS LA RUE
6 – AVEC LES EXILÉ-ES ET LES ANTIFASCISTES
7 – EXARCHEIA FAIT L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE
8 – DÉPART EN CRÈTE SOUS HAUTE TENSION
9 – LA ZAD RENAÎT À KASTELLI
10 – LA LUTTE S’ÉTEND CONTRE L’AÉROPORT

C’est le soir du jeudi 21 février que la plupart d’entre nous avons pris la route pour converger vers notre lieu de rendez-vous secret.

D’autres parmi nous étaient déjà parti-es depuis la veille, notamment les fourgons de Liège (Belgique), de Rouen, des Charentes ou encore de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

D’autres encore, plus proches, depuis les Alpes ou la Provence, nous ont rejoint au petit matin.

 

Notre lieu de rendez-vous ? Un petit village situé sur la commune de Martigues, à moins de trois heures de la frontière italienne.

 

A la recherche d’une salle et d’un parking assez grand pour nous réunir (26 fourgons mais aussi presque autant de véhicules venus discrètement nous aider pour la journée, notamment quelques anciens des convois précédents), nous avions reçu une proposition d’un ami et compagnon de luttes du coin, très actif dans la ville : Frédéric Grimaud.

C’était l’idéal pour arriver à finir de répartir, en une seule journée, le contenu apporté par les fourgons de toutes les provenances, ainsi que les stocks déjà déposés durant les semaines précédentes aux alentours. Des dizaines de tonnes de matériel collectées un peu partout pour soutenir le mouvement social et révolutionnaire qui résiste et organise la solidarité dans l’autogestion et la gratuité en Grèce.

 

Ici, pas de chichi ni de fioritures. La mairie communiste de Martigues connait bien Yannis qui est né dans cette ville en 1970, d’un père ouvrier grec et d’une mère enseignante française, avant de partir à plusieurs reprises vivre en Grèce, puis finalement de partager sa vie depuis quinze ans entre les deux bouts du continent. Fabienne, directrice de la Maison pour tous de Saint-Julien-les-Martigues et Frédéric Grimaud, enseignant, élu municipal aux quartiers et militant très actif dans la défense des Roms et des migrant-es, savent très bien comment nous fonctionnons. Ce sont des ami-es.

Ici, pas de photo officielle, ni de petits fours, ni de communication dans des grands médias mainstream. Juste un petit déjeuner partagé ensemble et quelques photos prises au vol. Notre visite devra rester secrète tant que nous ne serons pas arrivé-es au terme du voyage. Nous sommes également très attaché-es à notre totale indépendance et celle-ci est parfaitement respectée ici. Notre convoi s’effectue sans subvention de l’État ni de mécènes privés. Pas de partenariat non plus avec une chaîne de télé pour un reportage à passer en deuxième partie de soirée. Nous sommes à l’instar du quartier libertaire que nous allons rejoindre à Athènes : irrécupérables.

 

L’accueil militant à Martigues est exceptionnel. En quelques heures, Nicole, Maud et Marceline ont réussi à trouver des hébergements pour tous les membres du convoi (souvent du jeudi soir au samedi matin). C’est l’occasion de rencontrer nos compagnons de lutte dans le secteur et d’échanger sur nos pratiques. De parler du voyage aussi, mais pas trop : nous avons décidé, comme à l’habitude, de ne pas raconter tous nos plans de route, même à nos soutiens. Inutile de risquer la circulation de rumeurs. On cloisonne l’info pour la sécurité de tou-tes et du chargement.

Plusieurs parmi nous ont des soucis réguliers avec des organisations fascistes en France. En Italie, la traversée s’avère de plus en plus compliquée, vu la haine du pouvoir pour les migrant-es (migrant-es qui sont l’un des deux versants de notre aide en Grèce). En Grèce, nous sommes carrément attendu-es : sur un forum, des membres d’Aube dorée s’interrogeaient récemment sur la date exacte de notre arrivée, et puis lors d’un précédent convoi en novembre 2017, nous avons fait la couverture de plusieurs journaux d’extrême-droite en Grèce en tant qu’ennemis à stopper.

Parmi les anciens du convoi, on réfléchit ensemble aux moindres détails (ici, Philippe dit Fifi, Thomas et Maud entourent Manon en présence d’Alain qui soutient chacun de nos départs avec le collectif Oli Mazi Aubagne).

 

Ce coup-ci, 3 fourgons sur les 26 sont partis de Belgique. Plus précisément de Liège, la fameuse ville ouvrière et rebelle. L’initiative est partie du collectif Kali qui propose, entre autres, une cantine solidaire autogérée dans la ville wallonne. En plus de leur gnaque et de leur persévérance (énorme travail de préparation durant des mois), Slim, Younès et leurs potes apportent une joie et une pêche d’enfer au convoi. 

 

Bon, c’est vrai, ils sont parfois un peu perchés !

 

Au début de chaque convoi, le plus difficile, c’est de former au plus vite les nouveaux/elles venu-es à la montagne de tâches qui nous attendent. Pour cela, on s’entraide. Les ancien-nes tournent beaucoup pour observer, conseiller, mais aussi parfois accueillir quelques idées nouvelles.

Clément et Yannis préparent un affichage permettant de savoir exactement où et comment séparer le contenu des livraisons trop fourre-tout. Dès ce soir, les 26 fourgons devront repartir avec un chargement bien précis, soit pour une destination en particulier (squat de réfugié-es/migrant-es, dispensaire médical autogéré, cuisine sociale de rue, groupe de résistance, etc.), soit pour regrouper certaines choses utiles ici ou là (fourgon informatique, électroménager, vélos, jouets, etc.).

Contrairement à ce que racontent les télés grecques, nous n’avons toujours pas de Kalachnikovs dans nos coffres !

 

Dès le début de la matinée, l’urgence est aussi d’aller chercher nos stocks partout où ils se trouvent dans la région. Après avoir ramené pas mal de choses durant la tournée de L’Amour et la Révolution, Maud indique à plusieurs fourgons où sont les cachettes

À quelques kilomètres plus à l’ouest, Sylvie coordonne le rapatriement de la collecte de Port-Saint-Louis et Christelle de celle de Port-de-Bouc.

 

Tout arrive à une vitesse phénoménale. Décharger n’est pas le problème non plus. Le souci, c’est surtout de tout ranger, bien et vite, pour charger dès l’après-midi la plupart des fourgons.

Heureusement, les fourgons du Sud-Ouest sont déjà prêts. Comme d’habitude, le tri régional s’est déroulé une semaine plus tôt dans le nord du Tarn. Ouf ! 9 sur 26 ne sont pas à retoucher ou très peu !

Parmi les principales denrées à trier, comme on le voit sur la photo : des couches, du lait infantile, des sacs plus ou moins grands de céréales et d’autres aliments…

 

Des fournitures scolaires, des loisirs créatifs…

 

 

Des jouets de toutes sortes et pour tous les âges…

On trie les jouets non pas seulement parce que certains sont parfois cassés ou incomplets, mais aussi parce qu’il y a plusieurs destinations (les moins de 6 ans plutôt pour les squats de réfugié-es-migrant-es et pour la cuisine sociale de rue, les plus de 6 ans pour les écoliers d’Exarcheia et les enfants pauvres du réseau École buissonnière/Pédagogie Freinet d’Athènes).

 

De l’électroménager pour les lieux autogérés, des ordinateurs et des appareils photos pour les groupes de résistance et les automédias du mouvement social…

 

Des vélos, petits et grands, des tricycles, des trottinettes…

 

Plusieurs d’entre nous ont également récupéré quelques bouteilles de vins pour féliciter les compagnons et camarades (par exemple, pas mal de bouteilles destinées aux membres courageux/ses de Rouvikonas) ou pour arroser nos repas ensemble (par exemple avec le réseau de lutte contre l’aéroport en Crète). On met également de côté quelques bonbons et biscuits pour les fêtes prévues avec les enfants ou encore quelques colis pour des militant-es en difficultés sur place

 

Parmi nous, deux enfants de 9 et 10 ans : Achille se charge de présenter le voyage à Dorian qui vient d’arriver de région parisienne. Les 63 autres membres du convoi sont majeurs, de 20 à 76 ans.

Au total, nous sommes 65 à partir : un record !

 

À côté de la Maison pour tous de Saint-Julien-les-Martigues, le terrain de foot a fait des émules. Tout le convoi est très accueillant avec les enfants comme avec les nouveaux/elles. L’ambiance est immédiatement chaleureuse, bienveillante, attentionnée.

 

Parmi nous, deux dessinateurs. Le premier se prénomme Matthieu et vient du Comminges au sud de la Haute-Garonne

 

Bien sûr, Matthieu participe à tout (conduite, manutention, réunions…), mais croque aussi de temps à autres des moments de vie commune.

 

Ses croquis se multiplient sur les pages de son cahier.

 

Il y a aussi Skippy de Rouen. Lui dessine plus souvent en couleur…

 

Il a repéré Marc et Clément en train de trier méticuleusement une montagne de matériel médical…

 

 

Et hop ! Croqués !

 

Idem pour la fourmilière à l’entrée de la Maison pour tous ?

 

Hop !

 

La matinée se termine bientôt. On avance bien, mais certains s’inquiètent déjà au vu de tout ce qui reste à faire : va-t-on arriver à tout finir d’ici ce soir ?

 

Cette journée n’est pas seulement le moment final de la répartition d’un chargement accumulé depuis des mois. C’est aussi le grand moment de la rencontre entre celles et ceux qui vont partir et qui ne se connaissent pas tou-tes.

 

C’est aussi l’occasion d’avoir des nouvelles de ce qui nous attend sur place. À la fin du repas, les dernières infos d’Athènes et de Crète arrivent avec le café.

 

En début d’après-midi, le chargement des fourgons commence, un par un, en fonction de leur destination et de leur besoin d’être libérés vite ou pas, notamment si l’équipage veut dormir dedans.

Pendant ce temps, le tri continue dans sa dernière phase. On règle aussi quelques soucis mécaniques, avec l’aide de camarades connaisseurs comme Charlie du garage solidaire du Var qui a participé au convoi précédent. Heureusement, parce que, parmi les fourgons, certains ne sont pas tous jeunes et vont devoir faire pas mal de bornes bien chargés !

 

L’un des fourgons à destination du squat Notara 26 se termine. Marco joue à Tétris.

 

Ouf ! En fin d’après-midi, 20 fourgons sont déjà prêts à partir sur le parking de la Maison pour tous ! Les 6 derniers sont en train d’être chargés minutieusement : on va réussir à presque tout prendre avec nous ! Chose incroyable : seuls deux ou trois mètres cubes de choses non indispensables ne trouvent pas place dans le convoi ! La collecte rassemblée est rentrée pile-poil ! Parfait !

Quelques fourgons vont prendre la route dès ce soir, d’autres ne partiront que demain matin. On improvise un second repas partagé, avant de finir le rangement pour laisser le lieu comme on l’a trouvé. Encore merci Martigues !

 

La hantise de plusieurs camarades, c’est Vintimille : la police et les douanes dans les Alpes-Maritimes font beaucoup de zèle. Du côté italien aussi, ça se durcit.

 

Mais finalement, tout le convoi passe avec très peu de contrôles. Les Liégeois ferment la marche. On les charrie : « vous êtes où ? »

 

Réveil en Italie. Un petit ristretto ou cappuccino pour la route, et hop, c’est reparti ! Sam en est à son troisième convoi et connait bien la route !

 

Les conducteurs et conductrices se relaient. Après les tunnels et les viaducs de la côte, la plaine du Pô est interminable… It’s a long way to Ancona !

 

On traverse même le Rubicon, petite pensée pour nos camarades de Rouvikonas !

 

Ça y est, on approche ! Sarah, Leila, Clément et Clem arrivent à bon port !

 

Gros sujet d’inquiétude : l’un d’entre nous vient de se faire voler ses papiers sur une aire d’autoroute en Italie ! C’est Christian Leduc, le chanteur qui a composé un morceau pour les enfants du Notara dans le film L’Amour et la Révolution et qui a prévu plusieurs animations musicales pendant le séjour, aux côtés de Marco, Dédé et Richard.

Sans carte d’identité ou passeport, il est impossible d’obtenir une carte d’embarquement et de monter sur le bateau. Coup dur si Christian doit repartir en train vers l’hexagone, après être arrivé jusqu’ici ! Tout le groupe est inquiet…

Qu’importe, on va tenter !

C’est Yannis qui se charge de l’opération avec l’aide d’Achille et des camarades de Gironde. La discussion en grec dure des plombes. Une demi-heure au guichet et plusieurs coups de fil à Athènes, de part et d’autres. On insiste sur des concerts de soutien aux plus démunis avec la Cuisine sociale L’Autre Humain qui est très connue en Grèce, plutôt positivement.

Et tout à coup, au signal, Achille et Christian commencent le coup décisif : ils se mettent à jouer en duo une célèbre chanson traditionnelle grecque (Μαλαματένια λόγια, Malamatenia Logia) qu’ils ont déjà interprétée ensemble à plusieurs reprises durant la tournée de L’Amour et la Révolution en Gironde, l’année passée.

Achille n’a pas oublié. Christian non plus. La mandoline d’Achille est aussi émouvante que le visage du petit musicien de 9 ans qui ne veut pas voir repartir son ami. Le talent de Christian, remarquable guitariste et chanteur, fait le reste. Ça bouge aussitôt autour des bureaux, derrière les guichets.

Quelques minutes plus tard, sans le moindre mot de commentaire, la carte d’embarquement de Christian nous est transmise parmi les autres !

Reste à embarquer, mais on ne nous demande pas souvent autre chose que les cartes d’embarquement. Est-ce que ça va passer au niveau du ferry aussi ?

Tiens, voici un petit souvenir de Christian et Achille jouant ensemble cette chanson pour la première fois (soyez indulgents) à Ruelle-sur-Touvre le 14 mars 2018, un an plus tôt :
https://www.facebook.com/yyoulountas/videos/vb.100009019095596/1903530559957562/

 

Les 26 fourgons avec les 65 camarades au complet se préparent à monter dans le ferry Ancona-Patras. 22 heures de traversée nous attendent, sur la mer Adriatique…

 

 

Et surtout, Christian va-t-il réussir à embarquer ?

Vous le saurez en ne ratant pas le deuxième épisode de notre petit feuilleton, dès demain

Encore merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la préparation de ce convoi, d’une façon ou d’une autre. Et à demain pour la suite !

Demain :
2 – DU FERRY À ATHÈNES

À suivre les jours suivants :
3 – L’ARRIVÉE À EXARCHEIA
4 – ROUVIKONAS, LES DISPENSAIRES ET L’AG DU NOTARA
5 – AVEC LA CUISINE SOCIALE DANS LA RUE
6 – AVEC LES EXILÉ-ES ET LES ANTIFASCISTES
7 – EXARCHEIA FAIT L’ÉCOLE BUISSONNIÈRE
8 – DÉPART EN CRÈTE SOUS HAUTE TENSION
9 – LA ZAD RENAÎT À KASTELLI
10 – LA LUTTE S’ÉTEND CONTRE L’AÉROPORT

Faites passer ! Transmettez au moins la nouvelle à toutes celles et ceux qui ont participé ! 🖤❤️