Ni ado ni terroriste

Mikhail Zhlobitsky avait 17 ans. Il vivait au bord de la mer Blanche, sous le cercle polaire arctique. Il étudiait à l’École Polytechnique d’Arkhangelsk, un port russe situé à 1000 kilomètres au nord de Moscou, et ne supportait plus la société capitaliste et autoritaire.

NI ADO NI TERRORISTE

Dans la Russie du dictateur Poutine*, Mikhail rêvait d’une société anarcho-communiste, à l’instar de l’Ukraine de 1917 à 1920 et de l’Espagne de 1936 à 1938. Il échangeait à ce sujet sur un forum russe nommé « Paroles d’émeutiers » où son pseudonyme était Valerian Panov.

C’est sous ce nom qu’il a revendiqué, ce mercredi, une attaque à la bombe du bureau régional de la police secrète russe (FSB, ex-KGB) ; police secrète connue pour sa grande violence à l’égard des opposant.es politiques et plus encore à l’égard des militant.es révolutionnaires et libertaires. Non seulement les dossiers fabriqués de toutes pièces sont monnaie courante pour incarcérer quiconque représente une menace pour le pouvoir, mais, en plus, les cas de tortures et, parfois, d’empoisonnements sont nombreux.

C’est tout cela qu’a dénoncé Mikhail avant de conclure sa lettre de revendication par le vœu : « Je vous souhaite un avenir radieux de communisme anarchiste », puis de signer Valerian Panov.

Il est mort en jetant sa bombe dans les bureaux de la police secrète. Trois membres des services de Poutine ont été blessés. On ne sait pas si la cause de la mort de Valerian Panov est réellement l’explosion de sa bombe artisanale ou si il a été tué après son geste, au sein d’un bâtiment dont il savait n’avoir que peu de chance de s’échapper.

Une camarade anarchiste russe m’a dit que le pouvoir avait tout intérêt à propager la thèse d’un « attentat-suicide », pour l’apparenter aux attentats commis par des islamistes tchéchènes et, ainsi, « effrayer l’opinion ». Selon lui, Valerian Panov a probablement été tué après avoir jeté sa bombe.

Du côté des médias occidentaux, outre cette même présentation inquiétante d’un terroriste kamikaze, un mot revient systématiquement dans tous les titres des agences de presse : « ado ». Autrement dit, Valerian Panov était, selon eux, un gamin décervelé et manipulé, rien d’autre.

Non, bien sûr que non !

Quoi qu’on pense du procédé employé par Valerian et même s’il peut attrister ou déplaire, la moindre des choses est de respecter son choix et de lui reconnaitre son engagement, dans la lignée de beaucoup d’autres : de Ravachol à Caserio et d’Alekos Schinas à Jean-Marc Rouillan.

Valerian n’a pas non plus commis un acte terroriste : le terrorisme consiste à épouvanter toute une population, à l’échelle d’une ville ou d’un pays, à semer la terreur, y compris parmi les civils.

Selon la tradition de la propagande par le fait, quoi qu’on en pense par ailleurs, Valerian n’a frappé que le pouvoir ou, en l’occurrence, ses services, comme d’autres révolutionnaires avant lui.

Cela n’a donc aucun rapport avec le terrorisme en général et le terrorisme islamiste en particulier, qui, à l’inverse, ne frappe jamais le pouvoir, notamment en France, mais des centaines d’innocents qui n’ont absolument rien à voir avec sa politique au Proche-Orient ou au Moyen-Orient. Et pour cause : les terroristes islamistes ne veulent pas du tout en finir avec la société autoritaire, alors que c’est précisément le but des anarchistes.

Bref, une fois de plus, la confusion règne dans la propagation des nouvelles et substitue volontairement ce qui effraye le quidam à ce qui devrait n’inquiéter que ceux qui prétendent nous gouverner.

En exprimant sa révolte contre le pouvoir et ses valets, Valerian Panov a simultanément exprimé son amour pour les autres, preuve en est la dernière phrase de sa lettre de revendication, publié sur « Paroles d’émeutiers » juste avant son acte :
« Je vous souhaite un avenir radieux de communisme anarchiste. »

Yannis Youlountas

 

* car n’en déplaise à certain.es, Poutine n’est rien d’autre qu’un dictateur parmi tant d’autres : ultra-autoritaire, mégalo, macho, homophobe et raciste, comme la plupart de ses alter-ego aux quatre coins du globe.