Calais tristesse…

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Dur séjour face à l’Angleterre, juste avant d’entrer en Belgique pour une tournée de cinq jours.

CALAIS TRISTESSE…

Dans une ambiance de fête, la dernière tournée dans le sud avait battu tous les records. Les chaises supplémentaires manquaient dans la plupart des cinémas, de Millau à Montpellier. Puis, après quelques étapes pour transmettre des DVD et autres surprises à nos principaux soutiens, notamment Siné et Manu Chao, nous sommes arrivés à Calais dans une ambiance particulièrement triste.

L’une des collaboratrices du cinéma L’Alhambra venait de décéder : Jennifer n’avait que 30 ans. Elle était l’un des piliers du formidable collectif du cinoche auquel j’avais déjà rendu visite l’année dernière, sur les conseils d’Arnaud Clappier du cinéma Utopia de Montpellier, lui-même ancien membre du collectif de l’Alhambra. Victime d’une infection pulmonaire foudroyante, Jennifer laisse deux petites filles, Lou et Esther, 7 ans et 2 ans, ainsi que leur papa Thierry.

Le collectif de l’Alhambra a souhaité maintenir la projection-débat de « Je lutte donc je suis », mais la soirée a été plombante, les visages marqués, la tête ailleurs. Le cœur n’y était pas. Le public non plus d’ailleurs, suite à l’annonce du décès dans la presse locale et sur les réseaux sociaux, préférant sans doute venir le lendemain pour un hommage organisé par ses proches au cinéma. D’ailleurs, le cinéma avait tout d’abord fermé, avant de confirmer finalement notre venue.

Toutes nos condoléances à Thierry, Lou et Esther, ainsi qu’à leur entourage.

Sur la route de la frontière belge, Calais, c’est aussi « la jungle », l’immense camp à ciel ouvert de 4500 migrants totalement démunis et encerclés par des hordes de gardes-mobiles. Là encore, nos cœurs ont chaviré. Les militants œuvrant pour la solidarité nous ont présenté certaines de leurs actions, alors qu’un jeune migrant soudanais de 16 ans venait de mourir, renversé par un fourgon (le vingtième depuis le début de l’année). Jour après jour, la répression est de plus en plus féroce. Les contrôles incessants partout autour. Tout n’est que murs, grillages et barbelés. Et puis, au loin, la mer…

Sur terre : des affiches de Marine Le Pen partout. Des commerçants qui vitupèrent « y’en a marre ! » à leurs clients, qui parlent de « faire le ménage » et de « mener le pays à la baguette » parce que, « ma bonne dame, n’est-ce pas, ça devient n’importe quoi ». Un bourrage de crâne réciproque et incessant. L’une des baraques à frites retransmet les breaking news abrutissantes. Les décorations de Noël, devant la mairie, sont en forme de Mickey, Minnie et Picsou. La misère omniprésente n’est pas que matérielle, loin s’en faut. C’est bien le fumier sur lequel prospère et se répand le fascisme qui vient.

Au milieu de tout ça, quelques poignées de personnes résistent, créent et donnent de leur temps malgré tout. Sans baisser les bras.

Y.Y.

Photo : Jennifer et Esther.

Début de la tournée en Belgique, ce dimanche à Bruxelles :
http://blogyy.net/2015/12/05/je-lutte-donc-je-suis-au-festival-du-cinema-mediterraneen-de-bruxelles