TSIPRAS SUR UN VOLCAN : LE GOUVERNEMENT VIENT D’ACCEPTER LA FEUILLE DE ROUTE DE LA TROÏKA ET DEMANDE 50 MILLIARDS SUR TROIS ANS EN ÉCHANGE.
Vendredi 10 juillet 2015 au petit matin. Alexis Tsipras vient de faire un choix cornélien qui peut mettre en péril son parti à tous les niveaux : groupe parlementaire, comité central, militants, sympathisants, électeurs et popularité, cinq mois seulement après la victoire du 25 janvier. Il est difficile d’en mesurer toutes les conséquences. La journée qui commence sera cruciale, dans le parlement comme à l’extérieur.
TSIPRAS SUR UN VOLCAN : LE GOUVERNEMENT VIENT D’ACCEPTER LA FEUILLE DE ROUTE DE LA TROÏKA ET DEMANDE 50 MILLIARDS SUR TROIS ANS EN ÉCHANGE.
Bien qu’appuyé par plusieurs des dirigeants politiques d’opposition, qu’il a lui-même réunis ce lundi au lendemain du référendum, Alexis Tsipras risque un séisme politique dont l’onde de choc pourrait largement dépasser les frontières de la Grèce.
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VOICI TOUT D’ABORD LE DOSSIER TEL QU’IL A ÉTÉ TRANSMIS AUX DÉPUTÉS GRECS. C’est-à-dire en anglais et sans clarté ni confort de lecture. Un texte qui, selon de nombreuses sources, a été réalisé AVEC LA PARTICIPATION D’EXPERTS FRANÇAIS, proches collaborateurs du gouvernement socialiste :
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CÔTÉ DEMANDES : aide de 50 milliards d’euros sur trois ans dont plan d’investissement urgent de 35 milliards d’euros (principalement le déblocage de tous les fonds structurels bloqués) + restructuration de la dette pour la rendre soutenable après 2022 (décote, étalement, etc.).
CÔTÉ PROPOSITIONS : économies à hauteur de 13 milliards d’euros sur deux ans. Quelques détails :
– hausse de la TVA (alimentation, énergie, hôtels 13%, restaurants 23%, dans les îles, décote de 30% sur la TVA progressivement supprimée).
– réduction du budget de la Défense (baisse de 300 millions d’euros d’ici fin 2016).
– réforme de la fonction publique (peu détaillée, pas de coupe sur les salaires).
– réforme des retraites (très peu de coupes, réduction progressive de la dépense de 0,25% à 1% du PIB et augmentation de la cotisation santé de 4% à 6%, réduction des départs à la retraites anticipés, âge de départ à la retraite reculé jusqu’à 67 ans en 2022, suppression très progressive du complément de retraite pour les plus modestes en 2019).
– quelques privatisations
– taxe sur les sociétés (passage de 26% à 28%, augmentation des impôts spécifiques pour les compagnies maritimes et le marché du luxe).
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VOUS REMARQUEREZ, AU DÉBUT DU DOCUMENT, QUE, PARMI LES SIGNATURES DES MINISTRES, IL MANQUE CELLE DE PANOS KAMMENOS, ministre de la défense et président du petit parti des Grecs indépendants (ANEL).
IL MANQUE ÉGALEMENT CELLE DE PANAGIOTIS LAFAZANIS, CE QUI EST BEAUCOUP PLUS GRAVE. Lafazanis est un ancien membre de l’insurrection de l’Ecole Polytechnique contre la Dictature des Colonels en 1973, devenu, quarante-deux ans plus tard, ministre de l’écologie et de l’énergie. Lafazanis venait d’ailleurs de signer un accord pour un gazoduc de plus de deux milliards d’euros avec la Russie. Et Lafazanis représente, surtout, plus du tiers des députés Syriza au parlement, c’est-à-dire toute l’aile gauche de Syriza.
Manolis GLÉZOS, ancien résistant et député européen, et Stathis KOUVÉLAKIS, philosophe militant du comité central, deux figures très reconnues et influentes de cette même aile gauche, ont d’ores-et-déjà exprimé leur profond désaccord. Stathis Kouvelakis déjà auteur d’un appel très entendu le 23 juin dernier* qui avait freiné un processus similaire et favorisé l’issue du référendum, vient cette nuit d’appeler les députés de Syriza à voter contre ces propositions : « Μαζί με τον λαό που θέλει να σταθεί όρθιος και να ζήσει, υψώστε το ανάστημά σας, πείτε ΟΧΙ! »
« AVEC LE PEUPLE QUI VEUT VIVRE DEBOUT, LEVEZ-VOUS ET DITES NON ! »
En ce jour décisif, gageons que les débats seront vifs au parlement, ainsi qu’à l’extérieur dans la population, notamment dans la jeunesse, les syndicats, les collectifs et les autres mouvements politiques, modéré et radicaux.
L’une des questions majeures : avec quelles voix ce texte sera-t-il voté au parlement grec, aujourd’hui, et quelles en seront les conséquences, d’une part politiques et d’autre part sociales ? Si la cassure survenait avec la plateforme de gauche de Syriza, Tsipras choisirait-il la coalition avec des partis du OUI ou bien la dissolution de l’assemblée en prenant le risque de perdre sa place de premier ministre au terme de nouvelles élections législatives ?
Dans les deux cas, une recomposition politique ou une dissolution correspondrait à une victoire totale de la Troïka. En particulier, suite à son changement de stratégie, peu après l’annonce du référendum, nouvelle stratégie de la Troïka résumée ici il y a huit jours :
http://bxl.indymedia.org/
Et, pour aller plus loin, QUELLES CONCLUSIONS LES GRECS ET, AU-DELÀ, LES EUROPÉENS DE LA VRAIE GAUCHE OPPOSÉS À L’AUSTÉRITÉ DEVRONT-ILS TITRER DE CETTE EXPÉRIENCE ? N’y a-t-il pas un paradoxe à être, comme les Grecs, 61% contre l’austérité mais 72% pour rester dans la zone euro, quand on connait précisément le fonctionnement de cette zone ultra-autoritaire et totalement inflexible ? Sujet délicat, explosif même, que s’empressent de récupérer et de déformer les souverainistes de droite et, surtout, l’extrême-droite. Posons-nous franchement la question : peut-on construire réellement une alternative sans faire un pas-de-côté, sans prendre du recul, sans reprendre sa destinée en main ?
On semble loin, si loin de la société sans classe de MARX, de la conscience écologiste aiguë de René DUMONT et de la proposition d’une Europe fédérale par BAKOUNINE**. Et pourtant, il n’y a qu’un pas à faire. Un seul pas. Un pas pour franchir le rubicon, briser les tabous et oser autre chose, notamment à la lumière de ces trois continents idéologiques entre lesquels des ponts existent, si on veut bien les lire, prendre parfois et laisser souvent, penser par soi-même et agir ensemble. Marx, Dumont, Bakounine, parmi d’autres. Beaucoup d’autres. Et parmi nous.
Finalement, Varoufakis, qui aimait bien soigner son image, a peut-être eu raison de passer la main précipitamment. Car si les Bourses réagissent avec une forte hausse, quelle sera la réaction des Grecs, notamment DES OPPOSANTS À L’AUSTÉRITÉ qui AVAIENT PRÉVU DE SE RASSEMBLER CE VENDREDI SOIR (19h30) « pour fêter le OXI », place du Syntagma devant le parlement ?
La joie d’avoir gagné dimanche dernier ? La déception d’avoir concédé autant depuis ? La tristesse de la division ? Ou la colère d’avoir peut-être raté une belle occasion ? Quoiqu’il en soit CE N’EST PAS LA FIN DE L’HISTOIRE, LOIN DE LÀ. Nous sommes loin d’avoir dit notre dernier mot, tou-te-s, par-delà nos différences.
En Grèce comme ailleurs, rien n’est fini, tout commence !
Yannis Youlountas
* Stathis Kouvélakis avait diffusé un texte d’appel le 23 juin et cette vidéo parallèlement : http://www.humanite.fr/
** Michel Bakounine qui écrivait pour la Ligue de la Paix et de la Liberté (texte repris dans son livre « Fédéralisme, Socialisme et Antithéologisme », publié en 1895) :
« (…) Nous détestons la monarchie de tout notre cœur ; nous ne demandons pas mieux que de la voir renversée sur toute la surface de l’Europe et du monde, et nous sommes convaincus, comme vous, que son abolition est une condition sine qua non de l’émancipation de l’humanité. À ce point de vue, nous sommes franchement républicains. Mais nous ne pensons pas qu’il suffise de renverser la monarchie pour émanciper les peuples et leur donner la justice et la paix. Nous sommes fermement persuadés au contraire, qu’une grande république militaire, bureaucratique et politiquement centralisée peut devenir et nécessairement deviendra une puissance conquérante au dehors, oppressive à l’intérieur, et qu’elle sera incapable d’assurer à ses sujets, lors même qu’ils s’appelleraient des citoyens, le bien-être et la liberté. N’avons-nous pas vu la grande nation française se constituer deux fois en république démocratique, et deux fois perdre sa liberté et se laisser entraîner à des guerres de conquête ?
Attribuerons-nous, comme le font beaucoup d’autres, ces rechutes déplorables au tempérament léger et aux habitudes disciplinaires historiques du peuple français qui, prétendent ses détracteurs, est bien capable de conquérir la liberté par un élan spontané, orageux, mais non d’en jouir et de la pratiquer ?
Il nous est impossible, messieurs, de nous associer à cette condamnation d’un peuple entier, l’un des plus intelligents de l’Europe. Nous sommes donc convaincus que si, à deux reprises différentes, la France a perdu sa liberté et a vu sa république démocratique se transformer en dictature et en démocratie militaires, la faute n’en est pas au caractère de son peuple, mais à sa centralisation politique qui, préparée de longue main par ses rois et ses hommes d’État, personnifiée plus tard dans celui que la rhétorique complaisante des cours a appelé le Grand Roi, puis poussée dans l’abîme par les désordres honteux d’une monarchie décrépite, aurait péri certainement dans la boue, si la Révolution ne l’avait relevée de ses mains puissantes. Oui, chose étrange, cette grande révolution qui, pour la première fois dans l’histoire, avait proclamé la liberté non plus du citoyen seulement, mais de l’homme, — se faisant l’héritière de la monarchie qu’elle tuait, avait ressuscité en même temps cette négation de toute liberté : la centralisation et l’omnipotence de l’État.
Reconstruite de nouveau par la Constituante, combattue, il est vrai, mais avec peu de succès par les Girondins, cette centralisation fut achevée par la Convention Nationale. Robespierre et Saint-Just en furent les vrais restaurateurs : rien ne manqua à la nouvelle machine gouvernementale, pas même l’Être suprême avec le culte de l’État. Elle n’attendait plus qu’un habile machiniste pour montrer au monde étonné toutes les puissances d’oppression dont elle avait été munie par ses imprudents constructeurs… et Napoléon Premier se trouva. Donc cette Révolution, qui n’avait été d’abord inspirée que par l’amour de la liberté et de l’humanité, par cela seul qu’elle avait cru pouvoir les concilier avec la centralisation de l’État, se suicidait elle-même, les tuait, n’enfantant rien à leur place que la dictature militaire, le Césarisme.
N’est-il pas évident, messieurs, que POUR SAUVER LA LIBERTÉ ET LA PAIX EN EUROPE, NOUS DEVONS OPPOSER À CETTE MONSTRUEUSE ET OPPRESSIVE CENTRALISATION DES ÉTATS MILITAIRES, BUREAUCRATIQUES, DESPOTIQUES, MONARCHIQUES CONSTITUTIONNELS OU MÊME RÉPUBLICAINS, LE GRAND, LE SALUTAIRE PRINCIPE DU FÉDÉRALISME. (…) »