Jann Marc Rouillan, une condamnation purement politique

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La sentence vient de tomber. Jann Marc Rouillan vient d’être condamné à 8 mois de prison ferme pour « apologie du terrorisme ».

UNE CONDAMNATION PUREMENT POLITIQUE POUR ENTRETENIR LA CONFUSION « RÉVOLUTION = TERRORISME »

En dépit des apparences singulières de l’affaire, toutes celles et ceux qui désirent une révolution sont directement concernés par cette condamnation, de Tarnac à Nantes, de Rennes à Marseille, de Montreuil à Toulouse… Tous, par-delà nos différences. Car non seulement les propos de Jann Marc ont été déformés sciemment par le pouvoir politique, médiatique et judiciaire, non seulement il s’en est très clairement expliqué en proposant de lui-même une autre formulation sans malentendu possible (remplaçant « courageux » par « déterminés »), mais surtout Jann Marc a toujours répété haut et fort — y compris au sein de cet interview du 23 février — son désaccord le plus total avec les jihadistes qu’il a toujours qualifiés d’ennemis politiques, au même titre que le pouvoir qui s’acharne sur lui.

Jann Marc, ni aucun d’entre nous, n’a la moindre affinité avec les théocrates purulents et leurs serviteurs zélés, aussi réactionnaires qu’inégalitaires, exactement aux antipodes de nos désirs d’émancipation et d’égalité sociale.

Ni dieu ni maître. Ni capitalisme ni djihadisme. Que dire de plus ?

Une chose encore, qui est sans doute la plus importante. En agissant ainsi, le pouvoir a un objectif précis : continuer sa fabrique dans l’opinion d’une jonction — pourtant totalement imaginaire — entre terroristes intégristes et révolutionnaires anticapitalistes. Les éditocrates l’ont clairement annoncé : l’ennemi, c’est le terrorisme « islamo-gauchiste ». Hollande y a fait lui aussi allusion en demandant, aux côtés de Merkel, un renforcement européen dans la lutte « contre tous les terrorismes. » La confusion est totale, elle est volontaire et elle a besoin de noms, de coupables, d’exemples.

Jann Marc est de ceux-là. Sa liberté, à nouveau menacée, n’est que l’instrument d’un pouvoir qui joue quotidiennement avec les humains, qui les maltraite, qui les fourvoie, qui les massacre aussi, ne l’oublions pas, diversement, ici et ailleurs, et qui vient ensuite nous faire la leçon, nous parler de terreur, quand c’est lui qui sème la peur à longueur d’année, ciment de son édifice.

Car dans cette confusion, ce que le pouvoir oublie de dire, c’est que des révolutionnaires comme Jann Marc ne s’attaquent jamais à des innocents : ni l’insurgé grec qui tient un pavé ou un cocktail Molotov dans sa main face aux serviteurs zélés du pouvoir qui viennent piétiner ses initiatives autogérées et arrêter ses compagnons, ni le rebelle zapatiste qui lève son arme pour ne pas obéir aux injonctions de l’état mexicain, ni la camarade kurde du Rojava qui combat à la fois les troupes de l’état turc et celles de Daesh, ni même le jeune ouvrier anarchiste Caserio qui, en 1884, ose assassiner l’arrogant et ignoble président Sadi Carnot pour défier tous ceux qui cherchent à nous dominer.

Le terrorisme, ce n’est pas ça. Le terrorisme, c’est semer la terreur dans la société, en frappant aveuglément dans la population, quels que soient les motifs invoqués. D’ailleurs, remarquons que les terroristes de Daesh ne s’attaquent jamais à nos dirigeants, mais à des innocents sans pouvoir particulier, jamais à leurs homologues fascistes en France, qui pourtant répandent un racisme dévastateur à l’égard des musulmans, mais des personnes qui au contraire défendent notre diversité.

A l’inverse, frapper précisément le pouvoir sans jamais toucher aux innocents — quoiqu’on pense de cette stratégie, qu’on soit d’accord ou pas — ce n’est pas du terrorisme, c’est une forme de guerre sociale, d’action politique, de lutte révolutionnaire. Une forme qui a marqué l’Histoire, parmi d’autres.

Le pouvoir est aujourd’hui devenu tellement autoritaire et violent qu’il a de plus en plus peur de la riposte populaire. Il sait que, tôt ou tard, par trop d’arrogance, par trop de souffrance, par trop d’humiliation, certains choisiront de le frapper à la tête, de plus en plus nombreux. C’est inévitable et il le sait.

La confusion que sème le pouvoir, en sacrifiant Jann Marc sur l’autel du mensonge, n’a pas d’autre but : essayer de détourner l’opinion de la colère légitime qui un jour le détruira, d’une façon ou d’une autre.

Courage Jann Marc, mon ami, mon camarade, par-delà nos différences.

Yannis Youlountas