GRECE : RÉPONSES À VOS PRINCIPALES QUESTIONS -8-

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QUE PENSER DES ARTICLES QUI LAISSENT ENTENDRE QUE TSIPRAS CHERCHERAIT ENCORE À GAGNER DU TEMPS, EN SECRET, ET PRÉPARERAIT UN GREXIT EN VUE D’UNE VRAIE POLITIQUE DE GAUCHE ?

Je suis désolé de vous faire de la peine et de contredire les auteurs de ces théories fumeuses, mais C’EST TOTALEMENT FAUX. Tout cela n’est que pur fantasme, déni de réalité, extrapolation fantaisiste, retard de lucidité permettant un réveil moins brutal, baume au cœur pour camarades tristes souffrant de désillusion (je comprends que certains de ces articles apportent du réconfort à des gens déçus ou dévastés).

Et, surtout, la plupart des présupposés sont faux. J’en dénombre au moins six :

1- TSIPRAS A-T-IL ÉTÉ OBLIGÉ DE FAIRE CE VIRAGE LIBÉRAL À CAUSE DE LA DOMINATION DU OUI AU MILIEU DE LA CAMPAGNE POUR LE RÉFÉRENDUM ?

C’EST FAUX. Les sondages, en réalité, n’ont jamais été favorables au OUI durant la campagne référendaire et nous savions tous que c’était bidon, de même que Tsipras évidemment (23 points d’écart au final, malgré la propagande délirante sur une seule semaine) ;

2- TSIPRAS A-T-IL ÉTÉ CONTRAINT AU MÉMORANDUM PARCE QU’IL N’Y AVAIT PAS DE PLAN B ?

C’EST FAUX. Des plans B, il y en avait plusieurs (notamment celui de la plateforme de gauche, ou encore celui d’Eric Toussaint et du CADTM, etc.), mais Tsipras les a totalement occulté, malgré l’insistance de Glézos, Lafazanis, Kouvelakis, Toussaint et Zoé Konstantopoulou ;

3- TSIPRAS A-T-IL CÉDÉ POUR OBTENIR 50 MILLIARDS D’EUROS OU MÊME PLUS ?

C’EST FAUX. Ce troisième mémorandum « Merkollande » n’apporte absolument rien, à part lever l’embargo monétaire. Pour le reste, il ne s’agit, comme toujours, que de gaver les créanciers d’éternels tours de passe-passe (en milliards d’euros), attaquer les retraités et les fonctionnaires, poursuivre la casse les droits sociaux dans le public comme dans le privé, revenir sur certaines décisions prises depuis le 25 janvier, augmenter l’impôt le plus injuste socialement qu’est la TVA, et, surtout, vendre littéralement la Grèce en organisant une privatisation massive du bien commun. Car les 50 milliards d’euros annoncés ne sont que la perspective d’une immense braderie, rien de moins. C’est une gigantesque escroquerie. Les trois-quarts de ces 50 milliards seront directement jetés dans le trou noir de la dette et des banques, et le quart restant, dans le meilleur des cas, sera cogéré avec la troïka, puisque la Grèce, en plus de tout le reste, est également mise sous tutelle de façon draconienne et ultra-autoritaire ;

4- TSIPRAS ATTEND-IL LE « BON MOMENT » POUR SORTIR DE LA ZONE EURO ?

C’EST FAUX. Le mythe d’attendre le « bon moment » pour le Grexit nous a déjà été « vendu » (y compris à moi, à deux reprises : début février, puis mi-juin). Ce mythe du « bon moment » a notamment été annoncé quasi-officiellement au lendemain de l’accord du 20 février dernier pour le résultat qu’on connait : c’était complètement bidon. Et pour cause : c’était surtout fait pour répondre à la colère populaire, à l’impatience de Manolis Glézos et aux analyses très pertinentes de Stathis Kouvélakis, véritable visionnaire de tout ce qui allait se passer. Ajoutons que l’accord du 20 février était scellé pour 4 mois, donc on pouvait aisément se laisser embobiner, mais cette fois, il s’agit d’un accord sur… 3 ans ! Et, pour couronner le tout, avec une délégation de pouvoir à la troïka dans des proportions jamais atteintes.

5- TSIPRAS S’EST-IL ENTENDU AVEC MERKEL ET SCHAÜBLE POUR UN GREXIT À RETARDEMENT ?

C’EST FAUX. Ne nous racontons pas d’histoire. Sortons un peu du scénario haletant du spectacle télévisé. Rappelons-nous l’envers du décor. L’une des causes majeures de l’accord du 13 juillet, c’est l’entrée en action de la diplomatie américaine, à partir du 27 juin (juste après l’annonce du référendum le 26 au soir), suivi de plusieurs rencontres entre David Pearce, l’ambassadeur des Etats-Unis à Athènes, à Nikos Kotzias, le ministre grec des affaires étrangères, à partir du lundi 29 juin :
https://www.facebook.com/yyoulountas/posts/1467109260266363:0
Les Etats-Unis ne voulaient absolument pas voir un pays européen ouvrir une brèche sur le continent en se rapprochant des BRICS et de l’Amérique Latine. Il est aisé de comprendre pourquoi. Ce n’est pas nouveau ni étonnant. Pourtant, cette donnée majeure a été complètement négligée ou occultée par la plupart des médias, même alternatifs, alors que les preuves existent, depuis les agissements de l’ambassade américaine à Athènes jusqu’aux interventions répétées d’Obama. Tout est parfaitement vérifiable. Et le ministère des affaires étrangères à Athènes l’a aussi confirmé.
Pire encore : quand un « risque géopolitique du Grexit » était évoqué dans les médias dominant, c’était toujours celui… du terrorisme et de l’immigration ! Quand on connait bien la Grèce, ça donne franchement à sourire, puisque ses frontières ont toujours été impossibles à maîtriser et, surtout, la Grèce n’a aucune frontière directe avec les autres pays de la zone euro !
https://www.facebook.com/yyoulountas/posts/1469109716732984
Enfin, quand les équipes de François Hollande sont montées au créneau pour finaliser l’accord, c’était en lien avec Gérard Araud, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis qui en rendait compte régulièrement :
https://www.facebook.com/yyoulountas/posts/1470225446621411:5
Puis quand le résultat final est intervenu le 13 juillet au matin, Josh Earnest, le porte-parole d’Obama a immédiatement salué la nouvelle. Puis Obama en personne dans la soirée, félicitant chaleureusement les protagonistes. Le risque des dominos en Europe était écarté.

6 – TSIPRAS VA-T-IL BIENTÔT SURPRENDRE SES CAMARADES DÉÇUS DE SYRIZA ?

C’EST FAUX. Posez-vous simplement la question : si Tsipras songeait encore aujourd’hui à sortir de la zone euro et/ou à faire une politique de gauche, pouvez-vous croire un seul instant qu’il aurait brisé Syriza, exclu l’aile gauche et les historiques (Glézos, Lafazanis…), renié la majorité du comité central (109 membres sur 201), mis la Grèce sous tutelle et lancé la privatisation massive du bien commun dans des proportions sans précédent ? Voyons ! Même les contes de fées laissent entrevoir des possibilités qui sont complètement absentes ici.

Bref, je suis désolé, mais ces théories fumeuses sont totalement irréalistes, illusoires et infondées !

Ceci dit, un peu de placébo pour bobo idéologique ne fait sans doute pas de mal. A condition qu’on revienne bientôt à la réalité pour analyser sérieusement l’échec (je proposerai des textes à ce sujet prochainement), en tirer les conséquences, chacun à sa façon, et continuer à lutter, avec persévérance et lucidité.

Y.Y.

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