Giorgos Kalaïtzidis, increvable anarchiste, bientôt embastillé par Tsipras

Ce soir, j’ai une immense peine. Cette fois, c’est certain, nous n’arrivons pas à empêcher l’État grec de le mettre en prison, et sans doute pour longtemps.

GIORGOS KALAÏTZIDIS, INCREVABLE ANARCHISTE, BIENTÔT EMBASTILLÉ PAR TSIPRAS

C’est un très grand bonhomme de l’Histoire de l’Anarchisme en Grèce que le premier ministre et la Justice à sa botte ont décidé une fois pour toutes de mettre hors d’état de nuire. Giorgos Kalaïtzidis, co-fondateur de ROUVIKONAS et fameux résistant en Grèce, va bientôt être enfermé entre quatre murs, comme ce fut déjà le cas pendant 18 mois dans un passé lointain. Il a reçu les documents officiels. Je viens d’échanger avec lui. Il se prépare déjà à cet emprisonnement qu’il sait impossible à empêcher cette fois.

Que se passe-t-il ? Dans la foulée des élections européennes et locales, Tsipras vient de provoquer des élections législatives anticipées et va jouer sa place le 7 juillet, en tant qu’outsider face à la droite. Depuis plusieurs semaines, il manie habilement la carotte et le bâton pour soigner son image. Avec un cynisme incroyable, après quatre ans de disète et de misère, Tsipras jette enfin quelques miettes aux victimes de sa politique, juste avant de redemander leurs voix, comble du clientélisme. Il essaie ensuite de séduire le morceau d’électorat qui hésite en lui et son concurrent direct. Le centre droit du spectre électoral déteste Exarcheia, les anarchistes et autres révolutionnaires, et s’apprête à faire passer Mitsotakis, le chef de la droite, pour « évacuer Exarcheia en un mois » et « emprisonner les bandits rouges et noirs ». Qu’à cela ne tienne, depuis deux mois, Tsipras frappe tout ce qui fait horreur à la droite et gagne ses lettres de noblesse en matière autoritaire : six squats de réfugié.es évacués, le quartier d’Exarcheia quotidiennement harcelé par sa police, une émission de télé sur le quartier en prime-time qui annonce sa fin proche, le prisonnier politique Koufontinas brutalement privé de ses permissions de sorties surveillées pour voir son fils, et maintenant Rouvikonas sur le point d’aller en prison.

Dans le détail, Giorgos a été formellement identifié à la suite de l’attaque du parlement le 21 mai dernier (quelques bouteilles de peinture sur la façade de ce bâtiment qui n’a rien d’extraordinaire). Il s’agissait d’une action, parmi d’autres, en solidarité avec Koufontinas, alors en grève de la faim. Sur place, un autre membre de ROUVIKONAS prénommé Nikos, a été arrêté. Tous deux sont poursuivis non pour un délit, mais cette fois pour un crime. En exhumant une vieille loi sur la protection des monuments historiques de grande valeur – loi quasiment jamais utilisée et qui était plus destinée à l’Acropole ou à Delphes – le pouvoir a trouvé le moyen de piéger nos camarades qui faisaient jusqu’ici toujours attention à ne pas franchir cette frontière juridique en matière de qualification. Résultat : Giorgos et Nikos risquent 10 ans de prison fermes et se voient demander un dépôt de garantie gigantesque de 30 000 euros chacun (60 000 euros en tout) à régler avant le 14 juin. Chose absolument impossible*. Comme le disent tous les membres du groupe, ainsi que que l’avocat de Nikos scandalisé, il y a clairement la volonté d’instrumentaliser la loi pour parvenir à enfermer au plus vite plusieurs membres très connus du groupe et offrir un spectacle médiatique retentissant. L’emprisonnement effectif de Giorgos et Nikos est prévu pour les jours qui vont suivre le 14 juin, c’est-à-dire trois semaines avant les élections législatives : du pain béni pour Tsipras.

Je ne présenterai pas Giorgos ici. Je le ferai plus longuement dans quelques temps, car c’est non seulement un compagnon de lutte formidable, mais aussi un homme généreux et ouvert, ainsi qu’un penseur anarchiste passionnant, aussi humble qu’extraordinaire. Ce que je dois vous dire, par contre, c’est que ce qui vient de se produire est une attaque sans précédent contre la résistance en Grèce. Sans doute, la plus frontale depuis l’arrivée au pouvoir de Tsipras. Car nul groupe n’a autant résisté ces dernières années que Rouvikonas : quotidiennement, avec courage et persévérance, tel un sérum contre la résignation. Cette résignation qu’avait justement provoquée Tsipras. Presque tous les jours, on a entendu parler d’anarchie et de résistance dans les JT et dans la presse**. Presque tous les jours, de plus en plus de gens se sont dit que rien n’était terminé. Presque tous les jours, certains en venaient même à scruter les titres pour découvrir ce que Rouvikonas avait encore osé faire pour riposter contre l’injustice.

Que des hommes comme Giorgos et Nikos soient bientôt privés de liberté par Tsipras résume le machiavélisme du personnage. Eux, défenseurs infatigables de la justice authentique face à la politique désastreuse du pouvoir, frappés à leur tour par la pseudo Justice d’État qui n’est qu’une mise en scène sombre et grotesque au service de la classe dominante. Eux, increvables anarchistes, embastillés par le gouvernement et l’État, deux des inventions politiques les plus nuisibles dans la marche de l’humanité vers son émancipation.

Soutien à Giorgos, Nikos et tous les membres de ROUVIKONAS.

Appel à des actions de solidarité partout hors de Grèce, comme cela vient de se produire avant-hier soir devant l’ambassade de Grèce à Paris***.

Appel à soutien financier**** pour celles et ceux qui le peuvent ou, à défaut, à faire au moins tourner cet appel. Même si nous ne réussirons sans doute pas à empêcher l’emprisonnement de Giorgos et Nikos, d’autres membres du groupe pourront au moins échapper à d’autres sanctions moins lourdes et continuer la lutte.

Vive l’Anarchie, vive Rouvikonas !

Yannis Youlountas

* Il y a trois mois, le dernier convoi avait apporté une forte somme pour régler des ardoises urgentes, puis une action complémentaire début avril avait permis à Giorgos d’éviter la prison. Mais il ne s’agissait en avril que de 3000 euros de dépot de garantie et, en février, la somme beaucoup plus importante avait entièrement été utilisée pour solder d’autres procès. On ne fait pas de convoi tous les mois. Lever en deux semaines 60 000 euros est chose impossible. À savoir également que deux autres membres de Rouvikonas vont peut-être recevoir la même assignation, ce qui signifierait 120 000 euros si c’est confirmé.

** Présentation de Rouvikonas (10 minutes) :

*** https://paris-luttes.info/contre-la-repression-rouvikonas-12219

**** Pour participer à l’appel à soutien financier (avant le 14 juin), le Pot Commun avec toutes les informations est ici :
https://www.lepotcommun.fr/pot/mjj83sy2
Pour transmettre directement de l’argent en liquide, ROUVIKONAS sera bientôt en tournée en Italie, Suisse, France et Belgique, du 1er au 9 juin. C’est Spiros qui s’en occupera avec nous. Tous les détails de la tournée ici :
http://lamouretlarevolution.net/spip.php?rubrique34
Pour procéder par virement ou paypal (ou chèque, mais c’est un peu long et compliqué par rapport aux autres formes possibles), contacter en français : rouvikonasfrancophone@riseup.net
ou uniquement pour un virement, en communiquant en anglais : rouvikonas@espiv.net
Et si vous passez à Athènes avant le 14 juin :
Rendez-vous au K*Vox tous les jours, à partir de 16:00, place Exarcheia.