GRECE : RÉPONSES À VOS PRINCIPALES QUESTIONS -9-

11722415_1473223439654945_8712732458728516588_oLE 13 JUILLET, EN SIGNANT L’ACCORD, TSIPRAS N’A PAS EU LE CHOIX : IL ÉTAIT ACCULÉ PAR L’EMBARGO MONÉTAIRE, LES HEURES TOURNAIENT ET L’ÉPUISEMENT L’AFFAIBLISSAIT, SEUL FACE À UNE VINGTAINE D’ADVERSAIRES. NE DOIT-ON PAS SE METTRE À SA PLACE ET LE COMPRENDRE ?

Je suis désolé, mais, C’EST FAUX.

Même si l’embargo monétaire a été précédé d’autres pièges successifs qui ont eu l’effet d’un « nœud coulant », il ne faut pas se raconter d’histoire. La situation est trop grave pour abandonner également notre lucidité.

D’abord tout cela était parfaitement prévisible. La confrontation idéologique était parfaitement annoncée, y compris dans les tentatives de la troïka (Hollande et Moscovici inclus) de faire perdre les élections à Syriza en juin 2012, puis et en janvier 2015.

Ensuite, Tsipras n’a pas été élu la semaine dernière, ni il y a un mois. Cela fait six mois qu’il était urgent d’agir, à la fois pour des raisons sociales, et notamment humanitaires (300 000 personnes encore très vulnérables), mais aussi politiques, financières et monétaires. Pourtant, au grand dam de beaucoup de gens, dont Manolis Glézos et Stathis Kouvélakis qui ont interpellé à plusieurs reprises Tsipras sans véritable réponse, les échéances de la dette ont continué à être payées alors que la Grèce ne recevait plus la moindre aide depuis août 2014 ! Les caisses se sont vidées au point de prendre l’argent sur les comptes sociaux (sécurité sociale, fonds complémentaire retraite sociale, etc.), ce qui est extrêmement grave et qui signifie déjà une forme d’abus de pouvoir ou, pour le moins, une stratégie très discutable.

Autrement dit, Tsipras a vu les caisses se vider, le piège monétaire se refermer progressivement en six mois, sans jamais oser quelque chose.

Ou plutôt si : une chose et une seule. Tsipras a passé six mois à essayer de négocier à un ou deux contre vingt ou quarante, en se laissant tapoter la joue par Junker et en forgeant lui-même la chaîne aujourd’hui représentée par la mise sous tutelle de la Grèce et dans la vente massive de son bien commun.

De même, Tsipras n’a pas toujours été épuisé pendant ces six mois. Il aurait pu consulter paisiblement d’autres personnes que ses cinq mauvais conseillers et certains ministres, anciens responsables du Pasok et de la commission européenne à l’influence douteuse.

Tsipras aurait pu, par exemple, accorder un peu de temps aux analystes de la plateforme de gauche de Syriza qui, en tout et pour tout, se sont retrouvés face à un mur. Idem pour Eric Toussaint et la commission pour l’audit de la dette grecque qui a eu essentiellement comme interlocuteur Zoé Konstantopoulou, la président du parlement, mais quasiment jamais Alexis Tsipras, excepté durant la présentation du rapport préliminaire le 18 juin, mais sans véritable débat et encore moins de suites. Mieux encore, il aurait pu rencontrer un peu plus la population, favoriser des initiatives démocratiques à diverses échelles, participer à des assemblées, consulter un peu plus autour de lui, débattre au-delà des sentiers battus. Mais il ne l’a pas fait. Aux dires de beaucoup de témoins, il a eu tendance, de plus en plus, à s’isoler, principalement avec ses conseillers et 3 ou 4 ministres (devinez lesquels).

Par conséquent pouvait-on espérer un autre résultat que la catastrophe de cette semaine ?

Il est donc faux de dire que Tsipras ne disposait que de quelques heures ou jours, ou qu’il était acculé à Bruxelles. Cela fait bientôt six mois que Tsipras est arrivé triomphalement au pouvoir, avec le programme de Thessalonique sous le bras et une opinion publique sans précédent. Le problème n’est pas ce qui s’est passé cette semaine ou ce mois-ci, mais ce qui s’est passé (et pas passé) depuis six mois au pouvoir.

Ma conclusion sera donc la suivante : Tsipras a-t-il vraiment cru qu’il y avait une (ou plusieurs) alternative(s) ?
– si oui, vu les circonstances (urgence sociale et humanitaire, état de grâce politique, affaiblissement financier et piège monétaire), pourquoi n’a-t-il pas osé, durant six mois, au lieu de faire, au final, un virage libéral (pour 3 ans) et de mettre la Grèce sous la tutelle de la troïka.
– si non, n’aurait-il pas fallu, dans ce cas, appeler Syriza « PS » ou « UMP » ? Car si on ne voit pas d’alternative, autant arrêter de se prétendre antilibéral.

Désolé d’être rude, mais disons les choses franchement. Tsipras a semblé chercher quoi faire pendant six mois, tout en accumulant les erreurs :
– continuer à payer les échéances de la dette ;
– rester dans le piège monétaire ;
– s’isoler avec des conseillers et des ministres modérés et rétifs aux initiatives ;
– ne pas profiter d’Eric, Stathis et tant d’autres ;
– aller se coincer dans la souricière du sommet européen et signer, au final, la soumission politique de la Grèce et sa mise en vente.

Et on vient me dire ensuite qu’il n’avait pas le choix ? Est-ce sérieux, les ami-e-s ?

Faire d’ores-et-déjà un premier bilan me semble indispensable.
Surtout, suite à :
1- la signature de l’accord lundi matin ;
2- le refus de l’accord par le comité central de Syriza ;
3- l’intervention télévisée de mardi ;
4- le vote au parlement de mercredi soir ;
5- le remaniement d’hier.

Au plus tard mercredi 22 juillet, le Code de Procédure Civile devra être adopté (prévu dans l’accord), ce qui signifiera la multiplication des liquidations et des expulsions de familles en difficultés, comme en Espagne.

Soit on en fait un tabou, soit on en parle. Ceux qui s’amuseront à en faire un tabou auront clairement choisi leur camp : celui de la collaboration.

Y.Y.

http://jeluttedoncjesuis.net

Une affiche de Syriza, il y a deux ans :
« PRENONS NOS VIES EN MAINS
POUR NE PLUS VIVRE COMME DES ESCLAVES »
On est loin du compte.