Nuit rouge et noire à Athènes

Mardi 15 novembre. Obama est arrivé à Athènes, invité par Tsipras, au moment même où nous fêtons le 43ème anniversaire de l’insurrection contre la dictature des Colonels mise en place par… la CIA ! Une véritable provocation pour nous tou-te-s.

A 18h30, non loin du rassemblement anarchiste et anti-autoritaire à l’ouest du quartier rebelle d’Exarcheia, la rue Stournari est complètement vide : aucun habitant n’a commis la bêtise d’y laisser sa voiture, en vue de la soirée brûlante qui s’annonce (voir le schéma des forces en présence dans Athènes sur cette page). Des flics se postent partout autour, dans le bruit des hélicos. La ville semble subir une occupation.

15055736_1503723192976700_7005874830632552166_n

Autour de 20h, les détonations et les incendies se multiplient dans Athènes, notamment contre des banques. Les camions de pompiers sillonnent les avenues à toute allure…

15055818_1676693949307892_1087546819861637594_n

Depuis décembre 2008, on ne se souvient pas d’avoir jamais vu autant de flics dans Athènes (environ 11 000, dont plus de 8000 CRS et beaucoup de policiers en civil, selon des fuites de l’administration policière qui contredisent la déclaration officielle du gouvernement).

15055652_1503834336298919_179659917709952612_n

15134711_1503834382965581_7209603147815968728_n

Ce qui n’empêche pas de nombreuses actions isolées en petits groupes, en marge des grands cortèges…

15037289_1503834312965588_660758102767699429_n

Parmi les nombreux tags ce soir : NO HOPE (pas d’espoir). Spéciale dédicace à Obama (« Hope »), mais aussi à Tsipras dont le slogan de campagne était « l’espoir arrive ».

15036516_1676713939305893_3105717363825804627_n

22h. Comme je suis en train de filmer, caméra en main, je vous transmets des photos de mes camarades d’Insurrection News, en complément des miennes (ci-dessous), pour répondre à une journaliste et réalisatrice grecque qui vient de contredire mes dires en racontant sur une liste de mails : « Rectificatif [par rapport aux propos de Yannis], je suis sur place, à Athènes, le climat est calme ».

« LE CLIMAT EST CALME » À ATHÈNES ? LA BONNE BLAGUE !

Suite à quoi, cette personne a donné le nombre de manifestants par cortège diffusé par… l’AFP ! Toutes celles et ceux qui ont manifesté au moins une fois en France savent parfaitement ce que ça veut dire : il faut multiplier par deux, trois, voire plus, pour connaître le nombre réel de manifestants par cortège. Ce soir, la manif du PAME-KKE-LAE-etc. a largement atteint les 10 000 manifestants, et l’autre, avec les anars et les anti-autoritaires, a dépassé les 5000.

Bon, je retourne à la réalité, loin du journalisme en pantoufles dont les yeux sont rivés sur les chiffres du ministère de la police et de l’AFP.

Regardez si « le climat est calme » :

15032215_1676742835969670_61447654555207648_n

15107466_1676742832636337_131923697149646482_n-1

15036751_1676742815969672_1911264780608576912_n

Des nouvelles de France et Belgique me parviennent pour me dire que les mass-médias français et belges occultent littéralement l’info, ou la minimisent. Comme d’habitude ! Les émeutes se multiplient et se poursuivent tard dans la nuit…

15032287_1676742799303007_7429633209042478739_n

15094949_1676742802636340_6407968951060834066_n

Non, il ne se passe rien à Athènes. Le refrain des mass-médias occidentaux est toujours le même : tout est fini en Grèce depuis la capitulation de Tsipras. Surtout n’en parlons plus. Plus du tout.

2h du mat’. Je sors de l’assemblée provisoire de l’Ecole polytechnique à nouveau occupée, le temps d’une soirée, à Exarcheia.

POLYTECHNIQUE : PAS DE PROLONGEMENT DE L’OCCUPATION, MAIS DES ACTIONS SURPRISES

Après deux heures de débat à la recherche du meilleur choix et du consensus, l’assemblée a finalement décidé de suspendre pour l’instant l’occupation, pour diverses raisons que je ne peux pas évoquer ici.

Mais d’autres actions, et non des moindres, se dérouleront demain et surtout jeudi, avec des surprises…

Mon avis, je l’ai donné à l’assemblée : je regrette le choix de ne pas occuper, au moins trois jours ou beaucoup plus, ce lieu historique, surtout au moment où le président américain est à Athènes. Car c’est précisément la CIA qui a provoqué de façon certaine l’arrivée de la junte des Colonels au pouvoir en 1967, contre laquelle nos ainés se sont révoltés du 15 au 17 novembre 1973, il y a exactement 43 ans (d’où la provocation d’inviter Obama à un tel moment). Mais je comprends aussi les arguments de mes camarades et compagnons.

Le premier décembre 2014, je participais à une autre assemblée historique dans ce même lieu, et nous avions pris la décision de commencer une longue et âpre occupation, en soutien à nos prisonniers politiques dont Nikos Romanos en grève de la faim. Le gouvernement d’alors avait été destabilisé par l’amplification du mouvement social au point de provoquer des élections anticipées et de passer la main. Le capital avait ainsi réussi à calmer le jeu.

La situation actuelle est différente, mais on sent, tou-te-s ici, que, une fois de plus en Grèce, tout peut arriver…

15055648_1676812205962733_8299072035248285940_n

15078850_1676812179296069_8769152065695986195_n

15037216_1676812239296063_2693086399187072625_n

Bientôt 5h du mat’ à Athènes. La plupart des flics se sont repliés. Seuls quelques cars restent placés à certains points stratégiques, autour d’Exarcheia, du parlement et de l’ambassade américaine, et fonctionnent avec des tours de garde.

L’EAU ET LE FEU DANS LA NUIT ROUGE ET NOIRE

A ma sortie de l’assemblée de l’Ecole Polytechnique provisoirement occupée, une petite pluie avait commencé à éteindre les barricades aux entrées d’Exarcheia. Deux heures après, les incendies commencent à reprendre, plus à l’ouest : ici une banque, là une boutique de luxe. Des groupes, plus ou moins discrets, zigzaguent, à nouveau, avec des cocktails Molotov dans le centre d’Athènes…

Pendant ce temps, à Exarcheia, quelques réfugiés sortent progressivement des squats solidaires pour faire un tour et se dégourdir un peu. Pour la plupart, ils ne sont pas du tout sortis de la journée. Par exemple, à Notara26, dimanche soir, durant l’AG où j’étais présent pour ANEPOS aux côtés de Mimi, un tableau organisant les tours de garde (nuit et jour) a été mis en place par les « solidaires » de façon à mieux protéger les lieux et les personnes vulnérables, notamment contre les visites intempestives de CRS haineux (qui nous ont déjà fait le coup, par le passé, lors d’émeutes à Exarcheia, notamment en novembre et décembre 2015). C’est pourquoi la plupart des sans-papiers ont été invités par le mouvement social à ne pas participer aux manifs pour éviter la double-peine (arrêtés et expulsés aussitôt), surtout les Irakiens, Syriens et Afghans, malgré leur colère contre la politique américaine.

Un réfugié irakien me raconte un peu son périple, en allant voir avec moi ce que sont devenues les barricades aux entrées ouest du quartier (principalement des chaises, des meubles et des poubelles). Une jeune syrienne nous rejoint. Elle a perdu son fils et son conjoint sous les bombes et a traversé la mer Égée pour trouver un impossible répit. L’un et l’autre prennent un peu l’air, n’arrivant pas à dormir, avant de retourner se cacher à l’aube ou peu après.

Comme à l’habitude, les trottoirs sont morcelés par les coups de marteaux. Des sacs de gravats sont cachés dans des coins discrets. Des groupes va-et-viennent avec des bouteilles « recyclées ». Bref, la nuit est rouge et noire à Exarcheia.

Et la semaine n’est pas terminée. A suivre…

Yannis Youlountas

15078698_1676844439292843_8402051546419861603_n-1

15027957_1676844492626171_2700394938364297096_n-1

15094952_1676844619292825_2949150171607926032_n

14963289_1676844645959489_8252518920558214243_n

15032216_1676844652626155_5930638494674783628_n