Des « actions bisounours » à la « manif prison » : l’échec total de la « stratégie courtoise »

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Bon, ben voilà, ça y est, on arrive au bout de trois mois d’une immense naïveté politique, au fond de l’impasse, tout au fond de l’impasse. Et maintenant ? On arrête de déconner ? On passe aux choses sérieuses ?

DES « ACTIONS DE BISOUNOURS » À LA « MANIF PRISON » : L’ÉCHEC TOTAL DE LA « STRATÉGIE COURTOISE »

Quand ils ont débarqué, ils étaient enthousiastes, gentils, plein d’allant, bien que parfois pénibles. Alors, on a été bienveillants, patients, silencieux, on les a laissé dire, faire et parfois même nous donner des leçons. On a écouté, observé, avalé notre salive devant certaines choses. On a agit de notre côté, discrètement ou pas, en les laissant faire du leur. On était contents de voir autant de jeunes se mobiliser, de novices en politique, de puceaux du Maalox, de bobos en colère, de retraités s’agiter, des tas de gens descendre dans la rue, sur des places, un peu partout. Très bien.

Mais il y avait un problème néanmoins, un gros problème qu’on n’arrivait pas à leur faire entendre : ils croyaient presque tous qu’il s’agissait uniquement de s’exprimer, d’échanger des opinions, de convaincre des indécis et même, pour certains, de devenir copains avec les flics dans l’espoir puéril qu’ils cessent de nous taper dessus, tout en demandant aux riches de partager un peu, parce que, bon, ça serait cool, quand même.

Sur ce, on a vu débouler toutes sortes de bateleurs, les uns après les autres, et même jusqu’aux conspis en tous genres, allumés anti-chemtrails, chasseurs d’illuminatis, monomaniaques du tirage au sort, lieutenants ou petits soldats des uns ou des autres, vendant leur camelotes sur les places ou sur les manifs.

Puis on a senti un petit coup de coude dans les côtes : on gênait un peu certains dirigeants confédéraux qui souhaitaient complètement prendre la main, de A à Z, puis qui essayaient progressivement d’éloigner les copains les plus énervés.

« Nous, on n’est pas des casseurs ! » entonnèrent-ils, la main sur le cœur, devant le ministre des flash-balls et son armée de flics déguisés en cosmonautes.

Pendant ce temps, d’autres essayaient de faire de bisous aux flics, de les inviter à sucer des glaçons sur des places, d’appeler (sans blague) les manifestants à « se coucher par terre au pied des CRS » pour que ces derniers attrapent plus facilement les méchants casseurs, de multiplier les happenings à genoux et mains en l’air pour clamer que la violence c’est pas gentil (cf. photo) et, surtout, de nous engueuler régulièrement en nous répétant qu’en face, c’était tous des hommes et des femmes comme nous, que les seuls méchants, c’était juste la finance, le club fermé des milliardaires, une poignée de banquiers et quelques politiciens verreux.

Ah bon ? Et le capitalisme ? Et le hiérarchisme ? Et le bureaucratisme ? Le problème vient-il uniquement de quelques dirigeants corrompus ou ne vient-il pas surtout du pouvoir qui corrompt, tout simplement ? Et tous ses serviteurs en tous genres ? Vous êtes sûrs qu’on est 99% ?
— Arrêtez de voir le mal partout. Et puis, la Grèce, c’est la Grèce, et la France, c’est la France, ça n’a rien à voir.
— Ah bon, vous êtes sûr ?
— Oui, oui, laissez nous faire à notre façon…

OK, on a vu. Et bien vu.

Dernier acte : les dirigeants des bureaucraties syndicales ont accepté l’incroyable humiliation de faire, pour la première fois, une manif dans une prison à ciel ouvert. Non pas à la Bastille, mais dans la Bastille ! Avec des grilles partout autour, des fouilles, des remontrances, des menaces des flics, des sacs saisis, des foulards arrachés :
— Attention, on vous surveille de près, cette fois, vous ne nous échapperez pas ! Et pour cause, aucune issue, le tour d’un bassin fleuri et hop, rentrez vite chez vous !

Plusieurs jeunes activistes filmés ont même soutenu le raisonnement suivant :
— C’était ça ou l’illégalité, tu comprends ? Et l’illégalité, on sait où ça mène : à la violence. On n’avait pas d’autre choix possible !

Voilà. Tout est résumé dans ce témoignage. Le piège s’est refermé. En trois mois, nous sommes finalement arrivés au paroxysme d’une dérive qui n’a que trop duré et qui aboutit à la pire des choses : la neutralisation du mouvement de protestation contre la Loi Travaille et son monde par l’interdiction consentie de faire usage du rapport de force et d’occuper la rue. Et ce, en balayant d’un revers de la main toute l’histoire des luttes sociales.

Cette stratégie courtoise nous a rendu prévisibles, naïfs, inoffensifs et soumis, conduisant directement à l’échec et à l’humiliation d’aujourd’hui.

Car la lutte n’est pas qu’une affaire d’opinion, surtout face à de tels ennemis politiques, particulièrement odieux. Elle est aussi affaire de rapports de force, partout.

Au moment où les services de renseignement du pouvoir commençaient à s’inquiéter, nous avons lâché prise, une fois de plus.

Au fond de l’impasse, de la nasse, de la farce, il est temps de devenir incontrôlables, insaisissables, insatiables.

Il est temps de faire entendre que nous avons l’intention de prendre nos affaires en main et de ne plus nous laisser faire.

Il est temps de gêner au maximum, en tous lieux et en tous temps, ce système politique, économique et médiatique autoritaire, arrogant et saccageur de vies.

Il est temps de bloquer tout, commencer la grève générale illimitée et expropriatrice, occuper la rue, les usines, les écoles.

Arrêter la mascarade. Arrêter de jouer petit bras. Arrêter de tourner en rond.

Yannis Youlountas

https://www.youtube.com/watch?v=wauzrPn0cfg